Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/286

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à tous les cas. C’est peu maniable ; il importe d’avoir une arme moins grosse pour la petite guerre de tous les jours. Une critique d’État, dûment assermentée et accréditée, peut rendre des services. Organiser la persécution des écrivains par les écrivains n’est pas une chose mauvaise. Faire traquer la plume par la plume est ingénieux. Pourquoi n’aurait-on pas des sergents de ville littéraires ?

Le bon goût est une précaution prise par le bon ordre. Les écrivains sobres sont le pendant des électeurs sages. L’inspiration est suspecte de liberté ; la poésie est un peu extra-légale. Il y a donc un art officiel, fils de la critique officielle.

Toute une rhétorique spéciale découle de ces prémisses. La nature n’a dans cet art-là qu’une entrée restreinte. Elle passe par la petite porte. La nature est entachée de démagogie. Les éléments sont supprimés comme de mauvaise compagnie et faisant trop de vacarme. L’équinoxe commet des bris de clôture ; la rafale est un tapage nocturne. L’autre jour, à l’École des beaux-arts, un élève peintre ayant fait soulever par le vent dans une tempête les plis d’un manteau, un professeur local, choqué de ce soulèvement, a dit : Il n’y a pas de vent dans le style.

Au surplus la réaction ne désespère point. Nous marchons. Quelques progrès partiels s’accomplissent.