Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/293

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femmes, les sorcières, les fées, les âmes, Shakespeare est tout grand ouvert, prenez, prenez, prenez, en voulez-vous encore ? Voici Ariel. Parolles, Macduff, Prospero, Viola, Miranda, Caliban, en voulez-vous encore ? Voici Jessica, Cordelia, Cressida, Portia, Brabantio, Polonius, Horatio, Mercutio, Imogène, Pandarus de Troie, Bottom, Thésée, Ecce Deus, c’est le poëte, il s’offre, qui veut de moi ? il se donne, il se répand, il se prodigue ; il ne se vide pas. Pourquoi ? Il ne peut. L’épuisement lui est impossible. Il y a en lui du sans fond. Il se remplit et se dépense, puis recommence. C’est le panier percé du génie.

En licence et audace de langage, Shakespeare égale Rabelais, qu’un cygne dernièrement a traité de porc.

Comme tous les hauts esprits en pleine orgie d’omnipotence, Shakespeare se verse toute la nature, la boit, et vous la fait boire. Voltaire lui a reproché son ivrognerie, et a bien fait. Pourquoi aussi, nous le répétons, pourquoi ce Shakespeare a-t-il un tel tempérament ? Il ne s’arrête pas, il ne se lasse pas, il est sans pitié pour les pauvres petits estomacs qui sont candidats à l’Académie. Cette gastrite, qu’on appelle « le bon goût », il ne l’a pas. Il est puissant. Qu’est-ce que cette vaste chanson immodérée