Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/318

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mère ! Hamlet est cette chose sinistre, le parricide possible.

Au lieu de ce nord qu’il a dans la tête, mettez-lui, comme à Oreste, du midi dans les veines, il tuera sa mère.

Ce drame est sévère. Le vrai y doute. Le sincère y ment. Rien de plus vaste, rien de plus subtil. L’homme y est monde, le monde y est zéro. Hamlet, même en pleine vie, n’est pas sûr d’être. Dans cette tragédie, qui est en même temps une philosophie, tout flotte, hésite, atermoie, chancelle, se décompose, se disperse et se dissipe, la pensée est nuage, la volonté est vapeur, la résolution est crépuscule, l’action souffle à chaque instant en sens inverse, la rose des vents gouverne l’homme. Œuvre troublante et vertigineuse où de toute chose on voit le fond, où il n’existe pour la pensée d’autre va-et-vient que du roi tué à Yorick enterré, et où ce qu’il y a de plus réel, c’est la royauté représentée par un fantôme et la gaieté représentée par une tête de mort.

Hamlet est le chef-d’œuvre de la tragédie rêve.