Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/332

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Timoléon, Démosthène, Alexandre, Épicure, Annibal, sont des larves qui attendent leur heure d’entrer parmi les hommes ; Judas Macchabée, Viriate, Popilius, Jugurtha, Mithridate, Marius et Sylla, César et Pompée, Cléopâtre et Antoine, sont le lointain avenir, et au moment où Lear est roi de Bretagne et d’Islande, il s’écoulera huit cent quatre-vingt-quinze ans avant que Virgile dise : Penitus toto divisos orbe Britannos, et neuf cent cinquante ans avant que Sénèque dise : Ultima Thule. Les pictes et les celtes — les écossais et les anglais, — sont tatoués. Un peau-rouge d’à présent donne une vague idée d’un anglais d’alors. C’est ce crépuscule que choisit Shakespeare ; large nuit commode au rêve où cet inventeur à l’aise, met tout ce que bon lui semble, ce roi Lear, et puis un roi de France, un duc de Bourgogne, un duc de Cornouailles, un duc d’Albany, un comte de Kent et un comte de Glocester. Que lui importe votre histoire à lui qui a l’humanité ? D’ailleurs il a pour lui la légende, qui est une science, elle aussi ; et, autant que l’histoire peut-être, mais à un autre point de vue, une vérité. Shakespeare est d’accord avec Walter Mapes, archidiacre d’Oxford, c’est bien quelque chose ; il admet, depuis Brutus jusqu’à Cadvalla, les quatre-vingt-dix-neuf rois celtes qui ont précédé le Scandinave Hengist et le saxon Horsa ; et puisqu’il