Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/386

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Le théâtre contemporain n’a pas plus suivi Shakespeare qu’il n’a suivi Eschyle. Et sans compter toutes les autres raisons que nous indiquerons plus loin, quel embarras, pour qui voudrait imiter et copier, que le choix entre ces deux poètes ! Eschyle et Shakespeare semblent faits pour prouver que les contraires peuvent être admirables. Le point de départ de l’un est absolument opposé au point de départ de l’autre. Eschyle, c’est la concentration ; Shakespeare, c’est la dispersion. Il faut applaudir l’un parce qu’il est condensé, et l’autre parce qu’il est épars ; à Eschyle l’unité, à Shakespeare l’ubiquité. A eux deux ils se partagent Dieu. Et, comme de telles intelligences sont toujours complètes, on sent dans le drame un d’Eschyle se mouvoir toute la liberté de la passion, et dans le drame répandu de Shakespeare converger tous les rayons de la vie. L’un part de l’unité et arrive au multiple, l’autre part du multiple et arrive à l’unité.

Ceci éclate avec une saisissante évidence, particulièrement quand on confronte Hamlet avec Oreste. Double page extraordinaire, recto et verso de la même idée, et qui semble écrite exprès pour prouver à quel point deux génies différents faisant la même chose font deux choses différentes.