Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/494

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Certes, nous ne sommes plus au temps où l’on affichait : Macbeth, opéra de Shakespeare, altéré par sir William Davenant. Mais si l’on joue Macbeth, c’est devant peu de public. Kean et Macready y ont échoué.

A l’heure qu’il est, on ne jouerait Shakespeare sur aucun théâtre anglais sans effacer dans le texte le mot Dieu partout où il se trouve. En plein dix-neuvième siècle, le lord chambellan pèse encore sur Shakespeare. En Angleterre, hors de l’église, le mot Dieu ne se dit pas. Dans la conversation, on remplace God par Goodness (Bonté). Dans les éditions ou dans les représentations de Shakespeare, on remplace God par Heaven (le ciel). Le sens louche, le vers boîte, peu importe. Le « Seigneur ! Seigneur ! Seigneur ! » (Lord ! Lord ! Lord !), appel suprême de Desdemona expirante, fut supprimé par ordre dans l’édition Blount et Jaggard de 1623. On ne le dit pas à la scène. Doux Jésus ! serait un blasphème ; une dévote espagnole sur le théâtre anglais est tenue de s’écrier : doux Jupiter ! Exagérons-nous ? veut-on la preuve ? Qu’on ouvre Mesure pour Mesure. Il y a là une nonne, Isabelle. Qui invoque-t-elle ? Jupiter. Shakespeare avait écrit Jésus [1].

  1. Du reste, quelques lords-chambellans qu’il y ait, la censure française est difficile à distancer. Les religions sont