Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/76

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la civilisation, Ézéchiel l’accepte, mais la transforme. La nature et l’humanité se mêlent dans le hurlement attendri que jette Ézéchiel. La notion du devoir est dans Job, la notion du droit est dans Eschyle ; Ézéchiel apporte la résultante, la troisième notion : le genre humain amélioré, l’avenir de plus en plus libéré. Que l’avenir soit un orient au lieu d’être un couchant, c’est la consolation de l’homme. Le temps présent travaille au temps futur, donc travaillez et espérez. Tel est le cri d’Ézéchiel. Ézéchiel est en Chaldée, et, de Chaldée, il voit distinctement la Judée, de même que de l’oppression on voit la liberté. Il déclare la paix comme d’autres déclarent la guerre. Il prophétise la concorde, la bonté, la douceur, l’union, l’hymen des races, l’amour. Cependant il est terrible. C’est le bienfaiteur farouche. C’est le colossal bourru bienfaisant du genre humain. Il gronde, il grince presque, et on le craint, et on le hait. Les hommes autour de lui sont épineux. Je demeure parmi les églantiers, dit-il. Il se condamne à être symbole, et fait de sa personne, devenue effrayante, une signification de la misère humaine et de l’abjection populaire. C’est une sorte de Job volontaire. Dans sa ville, dans sa maison, il se fait lier de cordes, et reste muet. Voilà l’esclave. Sur la place publique, il mange des excréments ;