Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/92

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presque insensé de cette chasteté redoutable. Jean, tout jeune, était doux et farouche. Il aima Jésus, puis ne put rien aimer. Il y a un profond rapport entre le Cantique des Cantiques et l’Apocalypse ; l’un et l’autre sont des explosions de virginité amoncelée. Le cœur volcan s’ouvre ; il en sort cette colombe, le Cantique des Cantique, ou ce dragon, l’Apocalypse. Ces deux poèmes sont les deux pôles de l’extase ; volupté et horreur ; les deux limites extrêmes de l’âme sont atteintes ; dans le premier poëme l’extase épuise l’amour ; dans le second, la terreur, et elle apporte aux hommes, désormais inquiets à jamais, l’effarement du précipice éternel. Autre rapport, non moins digne d’attention, entre Jean et Daniel. Le fil presque invisible des affinités est soigneusement suivi du regard par ceux qui voient dans l’esprit prophétique un phénomène humain et normal, et qui, loin de dédaigner la question des miracles, la généralisent et la rattachent avec calme au phénomène permanent. Les religions y perdent et la science y gagne. On n’a pas assez remarqué que le septième chapitre de Daniel contient en germe l’Apocalypse. Les empires y sont représentés comme des bêtes. Aussi la légende a-t-elle associé les deux poètes ; elle a fait traverser à l’un la fosse aux lions et à l’autre la chaudière d’huile bouillante. En dehors