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Scène V


DON CARLOS, seul.

Laissez-nous seuls tous deux.Il s’incline vers le tombeau.
Laissez-nous seuls tous deux.Es-tu content de moi ?
Ai-je bien dépouillé les misères du roi,
Charlemagne ? Empereur, suis-je bien un autre homme ?
Puis-je accoupler mon casque à la mitre de Rome ?
Aux fortunes du monde ai-je droit de toucher ?
Ai-je un pied sûr et ferme, et qui puisse marcher
Dans ce sentier, semé des ruines vandales,
Que tu nous as battu de tes larges sandales ?
Ai-je bien à ta flamme allumé mon flambeau ?
Ai-je compris la voix qui parle en ton tombeau ?
— Ah ! j’étais seul, perdu, seul devant un empire,
Tout un monde qui hurle, et menace, et conspire,
Le danois à punir, le saint père à payer,
Venise, Soliman, Luther, François premier,
Mille poignards jaloux, luisant déjà dans l’ombre,
Des pièges, des écueils, des menaces sans nombre,
Vingt peuples dont un seul ferait peur à vingt rois,
Tout pressé, tout pressant, tout à faire à la fois,
Je t’ai crié : — Par où faut-il que je commence ?
Et tu m’as répondu : — Mon fils, par la clémence !