Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/124

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Je transcris cette épitaphe, ainsi qu’elle est disposée sur une table verticale de pierre, comme de la prose, sans indication des hexamètres et des pentamètres un peu barbares qui forment les distiques. Le vers à césure rimante qui clôt l’inscription renferme une faute de quantité, massa, qui m’a étonné, car le moyen âge savait faire des vers latins.

Le bras gauche du transept n’est encore qu’indiqué et se termine par un grand oratoire, froid, laid, ennuyeux et mal meublé, à quelques confessionnaux près. Je me suis hâté de rentrer dans l’église, et, en sortant de l’oratoire, trois choses m’ont frappé presque à la fois ; à ma gauche, une charmante petite chaire du seizième siècle très spirituellement inventée et très délicatement coupée dans le chêne noir ; un peu plus loin, la grille du chœur, modèle rare et complet de l’exquise serrurerie du quinzième siècle ; vis-à-vis de moi, une fort belle tribune à pilastres trapus et à arcades basses, dans le style de notre arrière-renaissance, que je suppose avoir été pratiquée là pour la triste reine réfugiée Marie de Médicis.

À l’entrée du chœur, dans une élégante armoire rococo, étincelle et reluit une vraie madone italienne chargée de paillettes et de clinquants, ainsi que de son bambino. Au-dessous de cette opulente madone aux bracelets et aux colliers de perles on a mis, comme antithèse apparemment, un massif-tronc pour les pauvres, façonné au douzième siècle, enguirlandé de chaînes et de cadenas de fer et à demi enfoncé dans un bloc de granit grossièrement sculpté. On dirait un billot scellé dans un pavé.

Comme je levais les yeux, j’ai vu pendre à l’ogive au-dessus de ma tête des bâtons dorés attachés par un bout à cette tringle transversale. À côté de ces bâtons il y a une inscription : — Quot pendere vides baculos, tot episcopus annos huic Agrippinœ prœfuit ecclesiœ. — J’aime cette façon sévère de compter les années, et de rendre perpétuellement visible aux yeux de l’archevêque le temps qu’il a déjà employé ou perdu. Trois bâtons pendent à la voûte en ce moment.

Le chœur, c’est l’intérieur de cette abside célèbre qui est encore à cette heure, pour ainsi dire, toute la cathédrale