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alors à son esprit. Il les relut, et il reconnut que, par leur réalité même, elles étaient le point d’appui incontestable et naturel de ses conclusions dans la question rhénane ; que la familiarité de certains détails, que la minutie de certaines peintures, que la personnalité de certaines impressions, étaient une évidence de plus ; que toutes ces choses vraies s’ajouteraient comme des contre-forts à la chose utile ; que, sous un certain rapport, le voyage du rêveur, empreint de caprice, et peut-être pour quelques esprits chagrins entaché de poésie, pourrait nuire à l’autorité du penseur ; mais que, d’un autre côté, en étant plus sévère, on risquait d’être moins efficace ; que l’objet de cette publication, malheureusement trop insuffisante, était de résoudre amicalement une question de haine ; et que, dans tous les cas, du moment où la pensée de l’écrivain, même la plus intime et la plus voilée, serait loyalement livrée aux lecteurs, quel que fût le résultat, lors même qu’ils n’adhéreraient pas aux conclusions du livre, à coup sûr ils croiraient aux convictions de l’auteur. — Ceci déjà serait un grand pas ; l’avenir se chargerait peut-être du reste.

Tels sont les motifs impérieux, à ce qu’il lui semble, qui ont déterminé l’auteur à mettre au jour ces lettres et à donner au public deux volumes sur le Rhin au lieu de deux cents pages.

Si l’auteur avait publié cette correspondance de voyageur dans un but purement personnel, il lui eût probablement fait subir de notables altérations ; il eût supprimé beaucoup de détails ; il eût effacé partout l’intimité et le sourire ; il eût extirpé et sarclé avec soin le moi, cette mauvaise herbe qui repousse toujours sous la plume de l’écrivain livré aux épanchements familiers ; il eût peut-être renoncé absolument, par le sentiment même de son infériorité, à la forme épistolaire, que les très grands esprits ont seuls, à son avis, le droit d’employer vis-à-vis du public. Mais, au point de vue qu’on vient d’expliquer, ces altérations eussent été des falsifications ; ces lettres, quoique en apparence à peu près étrangères à la Conclusion, deviennent pourtant en quelque sorte des pièces justificatives ; chacune d’elles est un certificat de voyage, de passage et de présence ; le moi, ici, est une affirmation. Les modifier, c’était remplacer la vérité par la façon littéraire. C’était encore diminuer la confiance, et par conséquent manquer le but.

Il ne faut pas oublier que ces lettres, qui pourtant n’auront peut-être pas deux lecteurs, sont là pour appuyer une parole conciliante offerte à deux peuples. Devant un si grand objet, qu’impor-