Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poindre sur le Taunus, il y eut sur les bords du Rhin un adorable gazouillement de légendes et de fabliaux ; dans toutes les parties éclairées par ce rayon lointain, mille figures surnaturelles et charmantes resplendirent tout à coup, tandis que dans les parties sombres des formes hideuses et d’effrayants fantômes s’agitaient. Alors, pendant que se bâtissaient, avec de belles basaltes neuves, à côté des décombres romains, aujourd’hui effacés, les châteaux saxons et gothiques, aujourd’hui démantelés, toute une population d’êtres imaginaires, en communication directe avec les belles filles et les beaux chevaliers, se répandit dans le Rhingau ; les oréades, qui prirent les bois ; les ondins, qui prirent les eaux ; les gnomes, qui prirent le dedans de la terre ; l’esprit des rochers ; le frappeur ; le chasseur noir, traversant les halliers monté sur un grand cerf à seize andouillers ; la pucelle du marais noir ; les six pucelles du marais rouge ; Wodan, le dieu à dix mains ; les douze hommes noirs ; l’étourneau qui proposait des énigmes ; le corbeau qui croassait sa chanson ; la pie qui racontait l’histoire de sa grand’mère ; les marmousets du Zoitelmoos ; Éverard le Barbu, qui conseillait les princes égarés à la chasse, Sigefroi le Cornu, qui assommait les dragons dans les antres. Le diable posa sa pierre à Teufelstein et son échelle à Teufelsleiter ; il osa même aller prêcher publiquement à Gernsbach, près de la forêt Noire ; mais heureusement Dieu dressa de l’autre côté du fleuve, en face de la Chaire du Diable, la Chaire de l’Ange. Pendant que les Sept-Montagnes, ce vaste cratère éteint, se remplissaient de monstres, d’hydres et de spectres gigantesques, à l’autre extrémité de la chaîne, à l’entrée du Rhingau, l’âpre vent de la Wisper apportait jusqu’à Bingen des nuées de vieilles fées petites comme des sauterelles. La mythologie se greffa, dans ces vallées, sur la légende des saints, et y produisit des résultats étranges, bizarres fleurs de l’imagination humaine. Le Drachenfels eut, sous d’autres noms, sa tarasque et sa sainte Marthe ; la double fable d’Écho et d’Hylas s’installa dans le redoutable rocher de Lurley ; la pucelle-serpent rampa dans les souterrains d’Augst ; Hatto, le mauvais évêque, fut mangé dans sa tour par ses sujets changés en rats ; les sept sœurs