Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tigres. À travers ces buissons revêches et hargneux, la ronce, ce serpent de la végétation, s’allonge et se glisse et vient vous mordre les pieds. Ici, du reste, comme la nature n’oublie jamais l’ornement, ce fouillis est charmant. C’est une sorte de gros bouquet sauvage où abondent des plantes de toute forme et de toute espèce, les unes avec leurs fleurs, les autres avec leurs fruits, celles-là avec leur riche feuillage d’automne, mauve, liseron, clochette, anis, pimprenelle, bouillon-blanc, gentiane jaune, fraisier, thym, le prunellier tout violet, l’aubépine qu’en août on devrait appeler rouge-épine avec ses baies écarlates, les longs sarments chargés de mûres de la ronce déjà couleur de sang. — Un sureau. — Deux jolis acacias. — Coin inattendu où quelque paysan voltairien, profitant de la superstition des autres, se cultive pour lui-même un petit carré de betteraves. De quoi faire un morceau de sucre. — À ma gauche, la tour, sans porte, ni croisée, ni entrée visible. À ma droite, un souterrain défoncé par la voûte. Changé en gouffre. — Bruit superbe du vent, admirable ciel bleu aux crevasses de l’immense masure. — Je vais monter par un escalier d’herbe dans une espèce de salle haute. — J’y suis. — Rien que deux vues magnifiques sur le Rhin, les collines et les villages. — Je me penche dans le compartiment au fond duquel est le souterrain-gouffre. — Au-dessus de ma tête, deux arrachements de cheminées en granit bleu, quinzième siècle. Reste de suie et de fumée à l’âtre. — Peintures effacées aux fenêtres. — Là-haut, une jolie tourelle sans toit ni escalier, pleine de plantes fleuries qui se penchent pour me regarder. — J’entends rire les laveuses du Rhin. — Je redescends dans une salle basse. — Rien. Traces de fouilles dans le pavé. Quelque trésor enfoui par les gnomes que les paysans auront cherché. — Autre salle basse. — Trou carré au centre donnant dans un caveau. Ces deux noms sur le mur : Phœdovius. Kutorga. J’écris le mien à côté avec un morceau de basalte pointu. — Autre caveau. — Rien. — D’ici je revois le gouffre. Il est inaccessible. Un rayon de soleil y pénètre. — Ce souterrain est au bas du grand donjon carré qui occupait l’angle opposé à la tour ronde. Ce devait être la prison du burg. — Grand compartiment fai-