Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/104

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Le sourire qui accompagnait cette gracieuse invitation exaspéra Pécopin. — En garde, vieux drôle ! Ah ! tu m’avais fait une promesse et tu m’as trompé !

— Hijo ! attends la fin ! qu’en sais-tu ?

— En garde, te dis-je !

— Ouais ! mon bon ami, vous, prenez mal les choses.

— Rends-moi Bauldour, tu me l’as promis !

— Qui vous dit que je ne vous la rendrai pas ? Mais qu’en ferez-vous quand vous la reverrez ?

— Elle est ma fiancée, tu le sais bien, misérable, et je l’épouserai, dit Pécopin.

— Et ce sera probablement avant peu un triste et malheureux couple de plus, répondit le vieux chasseur en hochant la tête. Après tout, bah ! qu’est-ce que cela me fait ? Il faut que les choses soient ainsi. Le mauvais exemple est donné aux mâles et aux femelles d’ici-bas par le mâle et la femelle de là-haut, le soleil et la lune, qui font un détestable ménage et ne sont jamais ensemble.

— Holà ! trêve à la raillerie, cria le chevalier, ou je t’extermine, et j’extermine ces démons et leurs déesses, et j’en purge cette caverne.

Le vieux répondit avec un rire de bateleur : — Purge, mon ami ! voici la formule : séné, rhubarbe, sel d’Epsom. Le séné balaye l’estomac, la rhubarbe nettoie le duodénum, le sel d’Epsom ramone les intestins.

Pécopin furieux s’élança sur lui l’épée haute ; mais à peine son cheval avait-il fait un pas qu’il le sentit trembler et s’affaisser. Il regarda. Un froid et blanc rayon de jour pénétrait dans l’antre et glissait sur les dalles bleuies. Excepté le vieux chasseur toujours souriant et immobile, tous les assistants commençaient à s’effacer. Le chandelier et les torches se mouraient ; la prunelle des spectres, que la brusque incartade de Pécopin avait un moment ranimée, n’avait plus de regard ; et à travers l’énorme torse d’airain du géant Nemrod, comme à travers une jarre de verre, Pécopin distinguait nettement les piliers du fond de la salle.

Son cheval devenait impalpable et fondait lentement sous lui. Les pieds de Pécopin étaient près de toucher la terre.