Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/173

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Quarante-neuf îles, couvertes d’une épaisse verdure, cachant des toits qui fument dans des touffes de fleurs, abritant des barques dans des havres charmants, se dispersent sur le Rhin, de Cologne à Mayence. Toutes ont quelque souvenir ; c’est Graupenwerth, où les hollandais construisirent un fort qu’ils appelèrent bonnet de prêtre, Pfaffenmütthe, fort que les espagnols scandalisés reprirent et baptisèrent du nom d’Isabelle. C’est Graswerth, l’île de l’herbe, où Jean-Philippe De Reichenberg écrivit ses antiquitates saynenses. C’est Niederwerth, jadis si riche des dotations du margrave-archevêque Jean II. C’est Urmitzer Insel, qui a vu César ; c’est Nonnenswerth, qui a vu Roland.

Les souvenirs des rives semblent répondre aux souvenirs des îles. Permettez-moi d’en effleurer ici quelques-uns ; je reviendrai tout à l’heure avec plus de détails sur ce sujet intéressant. Toute ombre qui se dresse sur un bord du fleuve en fait dresser une autre sur l’autre bord. Le cercueil de sainte Nizza, petite-fille de Louis Le Débonnaire, est à Coblentz ; le tombeau de sainte Ida, cousine de Charles-Martel, est à Cologne. Sainte Hildegarde a laissé à Eubingen l’anneau que lui donna saint Bernard, avec cette devise : j’aime à souffrir. Sigebert est le dernier roi d’Austrasie qui ait habité Andernach. Sainte Geneviève vivait à Frauenkirch, dans les bois, près d’une source minérale qui avoisine aujourd’hui une chapelle commémorative. Son mari résidait à Altsimmern. Schinderhannes a désolé la vallée de la Nahe. C’est là qu’un jour il s’amusa, le pistolet au poing, à faire déchausser une bande de juifs ; puis il les força ensuite à se rechausser précipitamment après avoir mêlé leurs souliers. Les juifs s’enfuirent clopin clopant, ce qui fit rire Jean l’écorcheur. Avant Schinderhannes, cette douce vallée avait eu Louis le noir, duc des deux-ponts.

Quand le voyageur qui remonte a passé Coblentz et laissé derrière lui la gracieuse île d’Oberwerth, où je ne sais quelle bâtisse blanche a remplacé la vieille abbaye des dames nobles de Sainte-Madeleine-sur-l’île, l’embouchure de la Lahn lui apparaît. Le lieu est admirable. Au bord de l’eau, derrière un encombrement d’embarcations amarrées, montent les deux clochers croulants de Johanniskirch,