Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/37

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femmes glissent et beaucoup tombent sur la pente dangereuse des traductions adoucies.

Du reste cette simple nuance c’est un hommec’est un chevalier disait l’état de ces deux jeunes cœurs. L’un dormait encore profondément, l’autre était éveillé. L’aînée des sœurs était déjà une femme, la dernière était encore une enfant. Il n’y avait pourtant guère que deux ans entre elles. La cadette seule était une jeune fille. Depuis leur entrée dans le caveau, elle avait beaucoup rougi, un peu souri, et n’avait pas dit un mot.

Cependant elles s’étaient penchées toutes les trois sur le tombeau, et la réverbération fantastique du rayon de soleil dessinait leurs gracieux profils sur le spectre de granit. Tout à l’heure je me demandais le nom du fantôme, maintenant je me demandais le nom des jeunes filles, et je ne saurais dire ce que j’éprouvais à voir se mêler ainsi ces deux mystères, l’un plein de terreur, l’autre plein de charme.

À force d’écouter leur doux chuchotement, je saisis au passage un de leurs trois noms, le nom de la cadette. C’était la plus jolie. Une vraie princesse des contes de fées. Ses longs cils blonds cachaient sa prunelle bleue dont la pure lumière les pénétrait pourtant. Elle était entre sa jeune sœur et sa sœur aînée comme la pudeur entre la naïveté et la grâce, doucement colorée d’un vague reflet de toutes les deux. Elle me regarda deux fois, et ne me parla pas. Elle fut la seule des trois dont je n’entendis pas le son de voix, mais elle fut aussi la seule dont je sus le nom. Il y eut un instant où sa jeune sœur lui dit très-bas : Vois donc, Stella  ! Je n’ai jamais mieux compris qu’en cet instant-là tout ce qu’il y a de limpide, de lumineux et de charmant dans ce nom d’étoile.

La plus jeune faisait ses réflexions tout haut. — Pauvre homme ! (la leçon avait été perdue). On lui a coupé la tête. C’était des temps comme cela où l’on coupait la tête aux hommes ! — Tout à coup elle s’interrompit : — Ah ! voici l’épitaphe ! c’est du latin. — Voxtacuitperiitlux… — C’est difficile à lire. Je voudrais bien savoir ce que cela veut dire.

— Mesdemoiselles, dit l’aînée, allons chercher mon père, il nous l’expliquera.