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Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/109

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parasol imitaient les pins d’Italie ; une longue feuille, pareille à une cosse de haricots entr’ouverte, laissait voir de belles gouttes de pluie comme un collier de diamants dans un écrin de satin vert ; un pauvre bourdon mouillé, en velours jaune et noir, remontait péniblement le long d’une branche épineuse ; des nuées épaisses de moucherons lui cachaient le jour ; une clochette bleue tremblait au vent, et toute une nation de pucerons s’était abritée sous cette énorme tente ; près d’une flaque d’eau qui n’eût pas rempli une cuvette, je voyais sortir de la vase et se tordre vers le ciel, en aspirant l’air, un ver de terre semblable aux pythons antédiluviens, et qui a peut-être aussi, lui, dans l’univers microscopique, son Hercule pour le tuer et son Cuvier pour le décrire. En somme, cet univers-là est aussi grand que l’autre. Je me supposais Micromégas ; mes scarabées étaient des megatherium giganteum, mon bourdon était un éléphant ailé, mes moucherons étaient des aigles, ma cuvette d’eau était un lac, et ces trois touffes d’herbes hautes étaient une forêt vierge. ― Vous me reconnaissez là, n’est-ce pas, ami ? ― A Rhinfelden, les exubérantes enseignes d’auberge m’ont occupé comme des cathédrales ; et j’ai l’esprit fait ainsi, qu’à de certains moments un étang de village, clair comme un miroir d’acier, entouré de chaumières et traversé par une flottille de canards, me régale autant que le lac de Genève.

A Rhinfelden on quitte le Rhin et on ne le revoit plus qu’un instant à Sekingen : laide église, pont de bois couvert, ville insignifiante au fond d’une délicieuse vallée. Puis la route court à travers de joyeux villages, sur un large et haut plateau autour duquel on voit bondir au loin le troupeau monstrueux des montagnes.

Tout à coup on rencontre un bouquet d’arbres près d’une auberge, on entend le bruit de la roue qui s’enraie, et la route plonge dans l’éblouissante vallée de l’Aar.

L’œil se jette d’abord au fond du ciel et y trouve, pour ligne extrême, des crêtes rudes, abruptes et rugueuses, que je crois être les cimes-grises ; puis il va au bas de la vallée chercher Brugg, belle petite ville roulée et serrée dans une ligature pittoresque de tours et de créneaux, avec pont sur l’Aar ; puis il remonte le long d’une sombre ampoule