toutes jolies ; beaucoup le sont. Les hommes sont habillés comme nos maçons endimanchés, et sont affreux. Je comprends qu’il y ait des amoureux à Brugg ; je ne conçois pas qu’il y ait des amoureuses.
La ville, propre, saine, heureuse d’aspect, faite de jolies maisons presque toutes ouvragées, n’est pas moins appétissante au dedans qu’au dehors. Une chose singulière, c’est que les deux sexes, dans leurs réunions du dimanche, y jouent le jeu d’Alphée et d’Aréthuse. Quand j’ai traversé la ville, j’ai vu toutes les femmes à la porte du Pont, et tous les hommes à l’autre bout de la grande rue, à la porte de Zurich. Dans les champs, les sexes ne se mêlent pas davantage ; on rencontre un groupe d’hommes, puis un groupe de femmes. Cet usage, que les enfants eux-mêmes subissent, est propre à tout le canton et va jusqu’à Zurich. C’est une chose étrange, et, comme beaucoup de choses étranges, c’est une chose sage. Dans ce pays de sève et de beauté, de nature exubérante et de costumes exquis, la nature tend à rendre l’homme entreprenant, le costume rend la femme coquette ; la coutume intervient, sépare les sexes et pose une barrière.
Cette vallée, du reste, n’est pas seulement un confluent de rivières, c’est aussi un confluent de costumes. On passe la Reuss, la cuirasse de velours noir devient un corselet de damas à fleurs, au beau milieu duquel elles cousent un large galon d’or. On passe la Limmat, la jupe brune devient une jupe rouge avec un tablier de mousseline brodée. Toutes les coiffures se mêlent également ; en dix minutes on rencontre de belles filles avec de grands peignes exorbitants comme à Lima, avec des chapeaux de paille noire à haute forme comme à Florence, avec une dentelle sur les yeux comme à Madrid. Toutes ont un bouquet de fleurs naturelles au côté. Raffinement.
La variété des coiffures est telle, que je m’attendais à tout. Après le pont de la Reuss, il y a une petite côte. Je la montais à pied. Je vois venir à moi une vieille femme coiffée d’une espèce de vaste sombrero espagnol en cuir noir, dans l’ornement duquel entraient pour couronnement une paire de bottes et un parapluie. J’allais enregistrer cette coiffure bizarre, quand je me suis aperçu que cette