bonne femme portait tout simplement la valise d’un voyageur. Le voyageur suivait à quelques pas ; brave homme, qui se piquait probablement de parler français, et qui m’a accosté pour me raconter la révolution de Zurich. Tout ce que j’y ai pu comprendre, à travers force baragouin, c’est qu’il y avait eu une proclamation du bourgmestre, et que cette proclamation commençait ainsi : Braves Iroquois ! ― Je présume que le digne homme voulait dire : Braves Zuriquois.
La vallée de l’Aar a deux bracelets charmants, Brugg qui l’ouvre, Baden qui la ferme. Baden est sur la Limmat. On suit depuis une demi-heure le bord de la Limmat, qui fait un tapage horrible au fond d’un charmant ravin dont tous les éboulements sont plantés de vignes. Tout à coup une porte-donjon à quatre tourelles barre la route ; au-dessous de cette porte se précipitent pêle-mêle dans le ravin des maisons de bois dont les mansardes semblent se cahoter ; au-dessus, parmi les arbres, se dresse un vieux château ruiné dont les créneaux font une crête de coq à la montagne. Tout au fond, sous un pont couvert, la Limmat passe en toute hâte sur un lit de rochers qui donne aux vagues une forme violente. Et puis on aperçoit un clocher à tuiles de couleur qui semble revêtu d’une peau de serpent. C’est Baden.
Il y a de tout à Baden, des ruines gothiques, des ruines romaines, des eaux thermales, une statue d’Isis, des fouilles où l’on trouve force dés à jouer, un hôtel de ville où le prince Eugène et le maréchal de Villars ont échangé des signatures, etc. Comme je voulais arriver à Zurich avant la nuit, je me suis contenté de regarder sur la place, pendant qu’on changeait de chevaux, une charmante fontaine de la renaissance, surmontée, comme celle de Rhinfelden, d’une hautaine et sévère figure de soldat. L’eau jaillit par la gueule d’une effrayante guivre de bronze qui roule sa queue dans les ferrures de la fontaine. Deux pigeons familiers s’étaient perchés sur cette guivre, et l’un d’eux buvait en trempant son bec dans le filet d’eau arrondi qui tombait du robinet dans la vasque, fin comme un cheveu d’argent.
Les Romains appelaient les eaux thermales de Baden les