effacé, une sainte à genoux avec sa légende autour de sa tête en caractères gothiques, un Saint-Christophe (que j’ai copié ; vous savez ma manie) et un Saint-Joseph. L’aventure de Cotié dément, à mon grand regret, la tradition Christofori faciem, etc. Son saint Christophe ne l’a pas sauvé de mort violente.
Le soupirail par où Michel Cotié s’est précipité fait face au troisième pilier. C’est sur ce pilier que Byron a écrit son nom avec un vieux poinçon à manche d’ivoire, trouvé, en 1536, dans la chambre du duc de Savoie, par les bernois qui délivrèrent Bonivard. Ce nom Byron, gravé sur la colonne de granit en grandes lettres un peu inclinées, jette un rayonnement étrange dans le cachot.
Il était midi, j’étais encore dans la crypte, je dessinais le saint Christophe ; ― je lève les yeux par hasard, la voûte était bleue. ― Le phénomène de la grotte d’azur s’accomplit dans le souterrain de Chillon, et le lac de Genève n’y réussit pas moins bien que la Méditerranée. Vous le voyez, Louis, la nature n’oublie personne ; elle n’oubliait pas Bonivard dans sa basse-fosse. À midi, elle changeait le souterrain en palais ; elle tendait toute la voûte de cette splendide moire bleue dont je vous parlais tout à l’heure, et le Léman plafonnait le cachot.
Et puis elle envoyait au prisonnier des martins-pêcheurs qui venaient rire et jouer dans son soupirail. ― Les ducs de Savoie ont disparu du château de Chillon, les martins-pêcheurs l’habitent toujours. L’affreuse crypte ne leur fait pas peur ; on dirait qu’ils la croient bâtie pour eux ; ils entrent hardiment par les meurtrières, et s’y abritent, tantôt du soleil, tantôt de l’orage.
Il y a sept colonnes dans la crypte, il y avait sept cachots. Les gens de Berne y trouvèrent six prisonniers, parmi lesquels Bonivard, et les délivrèrent tous, excepté un meurtrier nommé Albrignan, qu’ils pendirent à la traverse de la chambre noire. C’est la dernière fois que ce gibet a servi.
Chaque tour de Chillon pourrait raconter de sombres aventures. Dans l’une, on m’a montré trois cachots superposés ; on entre dans celui du haut par une porte, dans les deux autres par une dalle qu’on soulevait et qu’on laissait retomber sur le prisonnier. Le cachot d’en bas recevait