un peu de lumière par une lucarne ; le cachot intermédiaire n’avait ni air ni jour. Il y a quinze mois, on y est descendu avec des cordes, et l’on a trouvé sur le pavé un lit de paille fine où la place d’un corps était encore marquée, et çà et là des ossements humains. Le cachot supérieur est orné de ces lugubres peintures de prisonnier qui semblent faites avec du sang. Ce sont des arabesques, des fleurs, des blasons, un palais à fronton brisé dans le style de la renaissance. ― Par la lucarne, le prisonnier pouvait voir un peu de feuilles et d’herbe dans le fossé.
Dans une autre tour, après quelques pas sur un plancher vermoulu qui menace ruine et où il est défendu de marcher, j’ai aperçu par un trou carré un abîme creusé dans la masse même de la tour ; ce sont les oubliettes. Elles ont quatre-vingt-onze pieds de profondeur, et le fond en était hérissé de couteaux. On y a trouvé un squelette disloqué et une vieille couverture en poil de chèvre rayée de gris et de noir, qu’on a jetée dans un coin, et sur laquelle j’avais les pieds, tandis que je regardais dans le gouffre.
Dans une autre tour il y avait une cave comblée. Lord Byron, en 1816, demanda la permission d’y faire des fouilles. On la lui refusa sous je ne sais quels prétextes d’architecte. Depuis on a déblayé le caveau. J’y suis descendu. C’est là qu’était la sépulture du duc Pierre De Savoie, qui fut un des grands hommes de son temps, et qu’on avait surnommé le petit Charlemagne (deux mots mal accouplés, soit dit en passant). L’an 1268, le duc Pierre fut descendu en grande pompe dans ce caveau. Aujourd’hui le tombeau et le duc, tout a disparu. J’ai vu la vieille porte pourrie du caveau, sans gonds et sans serrure, appuyée au mur sous le hangar d’une cour voisine ; et il ne reste plus rien du grand duc Pierre que l’empreinte carrée du chevet de son sarcophage, arraché de la muraille par les bernois.
Cette cour voisine était elle-même un cimetière où plusieurs grands seigneurs savoyards avaient des tombes. Il n’y a plus maintenant qu’un peu d’herbe et un vieux lierre mort autour d’une vieille poutre déchaussée.
Je n’ai pu visiter la chapelle, qui est pleine de gargousses. La chambre des ducs est au-dessus du caveau