Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’esquisse qu’on peut faire en son esprit de l’Europe à cette époque ne serait pas complète si l’on ne se figurait au nord, dans le crépuscule d’un hiver éternel, une étrange figure assise, un peu en deçà du Don, sur la frontière de l’Asie. Ce fantôme, qui occupait les imaginations au dix-septième siècle, comme un génie, moitié dieu, moitié prince, des Mille et une Nuits, s’appelait le grand-knez de Moscovie.

Ce personnage, plutôt asiatique qu’européen, plutôt fabuleux que réel, régnait sur un vaste pays périodiquement dépeuplé par les courses des tartares. Le roi de Pologne avait la Russie noire, c’est-à-dire la terre ; lui, il avait la Russie blanche, c’est-à-dire la neige. On faisait cent récits et cent contes de lui dans les salons de Paris, et, tout en s’extasiant sur les sixains de Benserade à Julie d’Angennes, on se demandait, pour varier la conversation, s’il était bien prouvé que le grand-knez pût mettre en campagne trois cent mille chevaux. La chose paraissait chimérique, et ceux qui la déclaraient impossible rappelaient que le roi de Pologne Etienne était entré victorieusement en Moscovie et avait failli la conquérir avec soixante mille hommes, et qu’en 1560 le roi de Mongul était venu à Moscou avec quatre-vingt mille chevaux et l’avait brûlée. Le knez est fort riche, écrivait Mme Pilou, il est seigneur et maître absolu de toutes choses. ses sujets chassent aux fourrures. Il prend pour lui les meilleures peaux et les plus chères, et se fait sa portion à sa volonté. Les princes d’Europe, par curiosité plus encore que par politique, envoyaient au knez des ambassades presque ironiques. Le roi de France hésitait à le traiter d’altesse. C’était le temps où l’empereur d’Allemagne ne donnait au roi de Pologne que de la sérénité, et où le marquis de Brandebourg tenait à insigne honneur d’être archichambellan de l’empire. Philippe.

    souvent sublimes. Après avoir vendu leur service qui pouvait s’acheter, ils ont donné leur dévouement qui ne pouvait se payer. Abstraction faite de l’origine fâcheuse des concordats militaires, à un certain point de vue historique que l’auteur de ce livre est loin de répudier, les suisses, par exemple, ont été admirables aux Tuileries. Il est beau, peut-être, que la nation qui, la première en Europe, a donné son sang pour la liberté naissante, l’ait donné la dernière pour la royauté mourante ; et sous ce rapport le 10 août 1792 n’est pas indigne du 17 novembre 1307.