Aujourd’hui, par la force mystérieuse des choses, la Turquie est tombée, l’Espagne est tombée.
A l’heure où nous parlons, les assignats [1], cette dernière vermine des vieilles sociétés pourries, dévorent l’empire turc.
Depuis long-temps déjà une autre nation a Gibraltar, comme le sauvage qui coud à son manteau l’ongle du lion mort.
Ainsi, en moins de deux cents ans, les deux colosses qui épouvantaient nos pères se sont évanouis.
L’Europe est-elle délivrée ? Non.
Comme au dix-septième siècle, un double péril la menace. Les hommes passent, mais l’homme reste ; les empires tombent, les égoïsmes se reforment. Or, à l’instant où nous sommes, de même qu’il y a deux cents ans, deux immenses égoïsmes pressent l’Europe et la convoitent. L’esprit de guerre, de violence et de conquête est encore debout à l’orient, l’esprit de commerce, de ruse et d’aventure est encore debout à l’occident. Les deux géants se sont un peu déplacés et sont remontés vers le nord, comme pour saisir le continent de plus haut.
A la Turquie a succédé la Russie ; à l’Espagne a succédé l’Angleterre.
Coupez par la pensée, sur le globe du monde, un segment, qui, tournant autour du pôle, se développe du cap nord européen au cap nord asiatique, de Tornéa au Kamtchatka, de Varsovie au golfe d’Anadyr, de la mer Noire à la mer d’Okhotsk, et qui, au couchant, entamant la Suède,
- ↑ En Turquie ils s’appellent schim.