confus de toutes les volontés éveillées qui demandent à être satisfaites à la fois assourdit le pauvre cerveau de celui qui peut tout, étourdit son intelligence, dérange la génération de sa pensée et le rend fou. On pourrait dire et démontrer, preuves en main, que la plupart des empereurs romains et des sultans ont été dans une situation cérébrale particulière. Sans doute il faut admettre, et l’histoire enregistre par intervalles l’admirable accident d’un despote illustre, intelligent et supérieur ; mais en général et presque toujours le sultan est vulgaire. De là des désordres sans nombre ; l’effroyable oscillation d’une volonté suprême qui heurte et brise tout au hasard dans l’état. Le despotisme, utile, expédient, inspirateur, parfois nécessaire pour les hommes de génie, effare et trouble l’homme médiocre. Le vin des forts est le poison des faibles.
Troisièmement, les révolutions de sérail, les conspirations de palais ; le despote étranglant ses frères, les frères empoisonnant ou égorgeant le despote ; la défiance du père au fils et du fils au père, le soupçon dans le foyer, la haine dans l’alcôve ; des maladies inconnues, des fièvres suspectes, des morts obscures ; l’éternel complot des grands, toujours placés entre une ascension sans terme et une chute sans fond ; l’émeute et le bouillonnement des petits, toujours malheureux, toujours irrités ; la terreur dans la famille impériale, le tremblement dans l’empire ; faits graves, tristes et permanents qui découlent du despotisme.
Quatrièmement, un gouvernement mauvais, à la fois dur et mou, lequel sort en chancelant de ce despote qui ne pense jamais, et de ce palais qui tremble toujours ; pouvoir sans cohésion superposé à un état sans unité. Les populations de cet empire à demi barbare sont dans l’ombre ; d’elles-mêmes et d’autrui, de leurs intérêts, de leur avenir, elles distinguent et savent peu de chose ; le gouvernement, qui devrait les guider et qui s’y hasarde en effet, ignore presque tout et méconnaît le reste. Or, pour les gouvernements comme pour les individus, méconnaître est pire qu’ignorer. Où ira cette nation forte, puissante, exubérante, redoutable, mais ignorante ? Qui la mène et où la mène-t-on ? Elle tâtonne et voit à peine devant