Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/188

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elle ; son gouvernement y voit moins encore. Étrange spectacle ! Un myope conduit par un aveugle.

Cinquièmement, la servitude posée comme un bât sur le peuple. Sous la domination turque, le laboureur ne s’appartenait pas ; il était à un propriétaire. Il y avait un premier bétail, le troupeau, et un deuxième bétail, le paysan. Ainsi la dépopulation partout, point de vraie culture, un sillon détesté du laboureur. La propriété et la liberté font aimer la terre à l’homme ; la servitude la lui fait haïr. Le cœur se serre en étudiant cet état ; qu’on l’examine en haut ou qu’on le regarde en bas, les deux extrémités se ressemblent par la misère intellectuelle. Que peut devenir la sociabilité humaine entre un prince que le despotisme hébète et un paysan que l’esclavage abrutit ?

Sixièmement, l’abus des colonies militaires. Les timariots étaient des colons soldats. C’est une erreur qu’avaient les turcs de croire qu’on refait de la population de cette manière. Le procédé manque le but. Un village qui est un régiment n’est plus un village. Un régiment est toujours coupé carrément ; un village doit choisir son lieu, et y germer naturellement, et y croître au soleil. Un village est un arbre, un régiment est une poutre. Pour faire le soldat on tue le paysan. Or, pour la vie intérieure et profonde des empires, mieux vaut un paysan qu’un soldat.

Septièmement, l’oppression des pays conquis ; une langue barbare imposée aux vaincus ; une noble nation, illustre, historique, grande dans les souvenirs et les sympathies de l’Europe, jadis libre, jadis républicaine, décimée, extirpée, livrée au sabre et au fouet, écrasée dans l’homme, dans la femme et jusque dans l’enfant, déracinée de son propre sol, transplantée au loin, jetée au vent, foulée aux pieds. Ces voies de fait du peuple vainqueur sur le peuple vaincu sont accompagnées de cris d’horreur, et finissent par révolter toute la terre. Quand l’heure a enfin sonné, les peuples opprimés se lèvent, et le monde se lève de leur côté.

Huitièmement, la religion sans l’intelligence, la foi sans la réflexion, c’est-à-dire l’idolâtrie ; un peuple dévot sans perception directe du beau, du juste et du vrai, qui n’a plus dans la tête que les deux yeux louches et faux de