Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/216

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Si l’on promène son regard sur une carte d’Allemagne vers le confluent du Mein et du Rhin, on est agréablement surpris d’y voir s’épanouir une grande fleur à cinq pétales, découpée en 1815 par les ciseaux délicats du congrès. Francfort est le pistil de cette rose. Ce pistil, où vivent en plein développement deux bourgmestres, quarante-deux sénateurs, soixante administrateurs et quatre-vingt-cinq législateurs, contient quarante-six mille habitants, dont cinq mille juifs. Les cinq pétales, peints tous sur la carte de différentes couleurs, appartiennent à cinq états différents ; le premier est à la Bavière, le deuxième est à Hesse-Cassel, le troisième à Hesse-Hombourg, le quatrième à Nassau, le cinquième à Hesse-Darmstadt.

Etait-il nécessaire d’accommoder et d’envelopper de cette façon une noble ville où il semble, lorsqu’on y est, qu’on sente battre le cœur de l’Allemagne ? Les empereurs y étaient élus et couronnés ; la diète germanique y délibère ; Goëthe y est né.

Lorsqu’il parcourt aujourd’hui les provinces rhénanes, sur lesquelles rayonnait il n’y a pas trente ans cette puissante homogénéité qui a pénétré si profondément en moins d’un siècle et demi l’antique landgraviat d’Alsace, le voyageur rencontre de temps à autre un poteau blanc et bleu, il est en Bavière ; puis voici un poteau blanc et rouge, il est dans la Hesse ; puis voilà un poteau blanc et noir, il est en Prusse. Pourquoi ? Y a-t-il une raison à cela ? A-t-on passé une rivière, une muraille, une montagne ? A-t-on touché une frontière ? Quelque chose s’est-il modifié dans le pays qu’on a traversé ? Non. Rien n’a changé que la couleur des poteaux. Le fait est qu’on n’est ni en Prusse, ni dans la Hesse, ni en Bavière ; on est sur la rive gauche du Rhin, c’est-à-dire en France, comme sur la rive droite on est en Allemagne.

Insistons donc sur ce point : l’arrangement de 1815 a été une répartition léonine. Les rois ne se sont dit qu’une chose : Partageons. ― Voici la robe de Joseph, déchirons-la, et que chacun garde ce qui lui restera aux mains. ― Ces pièces sont aujourd’hui cousues au bas de chaque état ; on peut les voir ; jamais loques plus bizarrement déchiquetées n’ont traîné sur une mappemonde, jamais haillons ajustés bout à