Ponce-Pilate était un officier au service de l’Angleterre.
Eh bien ! notre foi à l’inévitable avenir est si religieuse, nous avons pour l’humanité de si hautes ambitions et de si fermes espérances, que, dans notre conviction, Dieu ne peut manquer un jour de détruire, en ce qu’il a de pernicieux du moins, cet antagonisme des deux peuples, si radical qu’il semble et qu’il soit.
Infailliblement, ou l’Angleterre périra sous la réaction formidable de l’univers, ou elle comprendra que le temps des Carthages n’est plus. Selon nous, elle comprendra. Ne fût-ce qu’au point de vue de la spéculation, la foi punique est une mauvaise enseigne ; la perfidie est un fâcheux prospectus. Prendre constamment en traître l’humanité entière, c’est dangereux ; n’avoir jamais qu’un vent dans sa voile, son intérêt propre, c’est triste ; toujours venir en aide au fort contre le faible, c’est lâche ; railler sans cesse ce qu’on appelle la politique sentimentale, et ne jamais rien donner à l’honneur, à la gloire, au dévouement, à la sympathie, à l’amélioration du sort d’autrui, c’est un petit rôle pour un grand peuple. L’Angleterre le sentira.
Les îles sont faites pour servir les continents, non pour les dominer ; les navires sont faits pour servir les villes, qui sont le premier chef-d’œuvre de l’homme ; le navire n’est que le second. La mer est un chemin, non une patrie. La navigation est un moyen, non un but ; surtout elle n’est pas son propre but à elle-même. Si elle ne porte pas la civilisation, que l’océan l’engloutisse !
Que le réseau des innombrables sillages de toutes les marines se joigne et se soude bout à bout au réseau de tous les chemins de fer pour continuer sur l’océan l’immense circulation des intérêts, des perfectionnements et des idées ; que par ces mille veines la sociabilité européenne se répande aux extrémités de la terre ; que l’Angleterre même ait la première de ces marines, pourvu que la France ait la seconde, rien de mieux. De cette façon l’Angleterre suivra sa loi tout en suivant la loi générale. De cette façon, le principe vivifiant du globe sera représenté par trois nations, l’Angleterre, qui aura l’activité commerciale, l’Allemagne, qui aura l’expansion morale, la France, qui aura le rayonnement intellectuel.