Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/36

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grand titan de Heidelberg. En 1619, Frédéric V, un jeune homme, saisit la couronne royale de Bohême malgré l’empereur, et, en 1687, le palatin Philippe-Guillaume, un vieillard, prend le chapeau d’électeur malgré le roi de France. De là, pour Heidelberg, des luttes, des secousses, des commotions sans fin, la guerre de trente ans, qui est la gloire de Gustave-Adolphe, la guerre du Palatinat, qui est la tâche de Turenne. Toutes les choses formidables ont frappé ce château. Trois empereurs, Louis de Bavière, Adolphe de Nassau et Léopold d’Autriche, l’ont assiégé ; Pie II y a lancé l’excommunication ; Louis XIV y a lancé la foudre.

On pourrait même dire que le ciel s’en est mêlé. Le 23 juin 1764, la veille du jour où Charles-Théodore devait venir habiter le château et y fixer sa résidence (ce qui, soit dit en passant, eût été un grand malheur ; car, si Charles-Théodore avait passé là sa trentaine d’années, la sévère ruine que nous admirons aujourd’hui serait, sans aucun doute, incrustée d’un affreux damasquinage Pompadour), la veille de ce jour donc, comme les meubles du prince étaient déjà déposés à la porte, dans l’église du saint-esprit, le feu du ciel tomba sur la tour octogone, incendia la toiture, et acheva de détruire en quelques heures ce château de cinq siècles. Déjà deux cents ans auparavant, en 1537, l’ancien palais bâti par Conrad sur le Geissberg et converti par Frédéric II en magasin à poudre avait été touché par un éclair et avait sauté. Chose remarquable, le même dénoûment a frappé les deux châteaux de Heidelberg, le donjon des Hohenstauffen et le manoir des palatins. Ils ont fini l’un et l’autre, comme le songe de la tragédie, par un coup de tonnerre.

Cette jalousie sourde et voilée, dont je vous parlais tout à l’heure, de l’électeur contre l’empereur, du comte souverain contre le César, se traduit et éclate visiblement jusque sur les façades du château. Sur le palais d’Othon-Henri, l’artiste, plein de l’esprit du prince, a mis des médaillons d’empereurs romains. Parmi ces césars il a étalé Néron et glissé Brutus. Il a subordonné la composition de ses trois étages à quatre statues posées fièrement au rez-de-chaussée. Ces quatre statues sont des symboles ; ce sont