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Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/84

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Point ; aucun effet.

La grande femme, coiffée en héraut d’armes, tourne seule la tête, me regarde fixement, avec des yeux blancs, et se remet à boire son philtre.

Du reste, pas une parole.

Les autres fantômes ne me regardaient même pas.

Un peu déconcerté, ma casquette à la main, je fais trois pas vers la table, et je dis, tout en craignant fort de manquer de respect à ce château d’Udolphe :

— Messieurs, n’est-ce pas ici une auberge ?

Ici, le vieillard triplement coiffé produisit une espèce de grognement inarticulé qui tomba pesamment dans sa cravate. Les autres ne bougèrent pas.

Je vous avoue qu’alors je perdis patience, et me voilà criant à tue-tête : ― Holà ! hé ! l’aubergiste ! le tavernier ! de par tous les diables ! l’hôtelier ! le garçon ! quelqu’un ! Kellner  !

J’avais saisi au vol, dans mes allées et venues sur le Rhin, ce mot : Kellner, sans en savoir le sens, et je l’avais soigneusement serré dans un coin de ma mémoire avec une vague idée qu’il pourrait m’être bon.

En effet, à ce cri magique : Kellner ! une porte s’ouvrit dans la partie ténébreuse de la caverne. sésame, ouvre-toi ! n’aurait pas mieux réussi.

Cette porte se referma après avoir donné passage à une apparition qui vint droit à moi.

Une jeune fille, jolie, pâle, les yeux battus, vêtue de noir, portant sur la tête une coiffure étrange, qui avait l’air d’un énorme papillon noir posé à plat sur le front, les ailes ouvertes.

Elle avait, en outre, une large pièce de soie noire roulée autour du cou, comme si ce gracieux spectre eût eu à cacher la ligne rouge et circulaire de Marie Stuart et de Marie-Antoinette.

— Kellner ? me dit-elle.

Je répondis avec intrépidité : ― Kellner !

Elle prit un flambeau et me fit signe de la suivre.

Nous rentrâmes dans les chambres par où j’étais venu, et, au beau milieu de la première, sur un banc de bois, elle me montra avec un sourire un homme dormant du