le calvinisme, sans mauvaise intention d’ailleurs, a malmené cette pauvre église ; il l’a badigeonnée, il a blanchi les fenêtres, il a masqué d’une balustrade à mollets le bel ordre roman des hautes travées de la nef, et puis il a répandu sous cette belle voûte catholique je ne sais quelle atmosphère puritaine qui ennuie. La vieille cathédrale du prince-évêque de Bâle, lequel portait d’argent à la crosse de sable, n’est plus qu’une chambre protestante.
Pourtant le méthodisme a respecté les chapiteaux romans du chœur, qui sont des plus mystérieux et des plus remarquables ; il a respecté la crypte placée sous l’autel, où il y a des piliers du douzième siècle et des peintures du treizième. Quelques monstres romans, d’une difformité chimérique, arrachés de je ne sais quelle église ancienne disparue, gisent là, sur le sombre pavé de cette crypte, comme des dogues endormis. Ils sont si effrayants qu’on marche auprès d’eux dans l’ombre avec quelque peur de les réveiller.
La vieille femme qui me conduisait m’a offert de me montrer les archives de la cathédrale ; j’ai accepté. Voici ce que c’est que ces archives : un immense coffre en bois sculpté du quinzième siècle, magnifique, mais vide. ― Quand on entre dans la chambre des archives, on entend un bâillement effroyable ; c’est le grand coffre qui s’ouvre. ― Je reprends. Une vaste armoire du même temps, à mille tiroirs. J’ai ouvert quelques-uns de ces tiroirs ; ils sont vides. Dans un ou deux j’ai trouvé de petites gravures représentant Zurich, Berne, ou le mont Rigi ; dans le plus grand il y a une image de quelques hommes accroupis autour d’un feu ; en bas de cette image, qui est du goût le plus suisse, j’ai lu cette inscription : Bivoic des Bohémiens. Ajoutez à cela quelques vieilles bombes en fer posées sur l’appui d’une fenêtre, une masse d’armes, deux épieux de paysan suisse qui ont peut-être martelé Charles Le Téméraire sous leurs quatre rangées de clous disposées en mâchoire de requin, de médiocres reproductions en cire de la Danse macabre de Jean Klauber, détruite en 1805 avec le cimetière des dominicains ; une table chargée de fossiles de la Forêt-Noire ; deux briques-faïences assez curieuses du seizième siècle ; un almanach de Liège pour 1837, et vous