Page:Humbert de Superville, Les signes inconditionnels dans l'art, 1827.djvu/22

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l’homme, et à celui de sa face en particulier. Et qu’en résulte-t-il en faveur de mon début ? Que c’est à celles-ci, à cette horizontale et à ces deux obliques que revient, en définitive, cette valeur nouvelle et si féconde que je leur cherchois, que peut-être vaguement on leur reconnoît toujours, et laquelle, basée entièrement sur un fait physiologique du plus haut intérêt, existant en nous-mêmes, et par conséquent irrécusable, m’a paru se poser comme d’elle-même en principe subjectif, initial et concluant d’une suite de conséquences et de données que je me propose de développer dans le cours de cet Essai. Il manqueroit cependant quelque chose à un pareil principe du côté de la clarté, si dans la valeur linéaire des signes qui le constitue, nous ne sous-entendions et ne comprenions encore en même temps leur valeur colorée. Le sentiment conçoit, se figure et réclame bien réellement cette identité, dont l’essence toutefois ne me paroît compréhensible pour le raisonnement que par la solution du problème suivant : Les couleurs exercent-elles sur nous une influence morale ? Ce qui mérite d’être vu.



Solution !

Toute la question se réduiroit à ses moindres termes, s’il nous étoit possible de considérer les couleurs abstractivement, de même que nous venons de considérer et d’interpréter, jusqu’ici, de simples tracés linéaires, indépendamment de toute idée d’accident ou de qualité concrète. Il nous a suffi que ces tracés ou contours fussent visibles, c’est-à-dire, se dessinassent pour l’œil sur un fond quelconque : l’imagination, l’entendement ont fait le reste. Mais en sera-t-il ainsi des couleurs ? et celles-ci les pourrons-nous séparer, détacher à leur tour des aires qu’elles remplissent, limitent et empêchent de se confondre les unes avec les autres ? Un cercle rouge, un triangle bleu cesseront-ils un seul instant d’être un cercle, un triangle pour ne nous offrir, par abstraction de toute limite, que des signes colorés d’un langage æsthétique, intellectuel ou moral ? Qui dit couleur, ne dit-il point aire, surface, figure ? et cette définition, si elle est juste, n’établit-elle pas l’impossibilité de jamais pouvoir séparer dans les objets deux propriétés qui leur sont essentiellement adhérentes, l’impossibilité, en un mot, de décomposer un être simple que l’on juge complexe, à cause d’une impression supposée double sur l’organe de la vue ? Sans m’arrêter à tout ce que cet argument, dirigé contre moi-même, présente de spécieux ou de plausible, je remarquerai tout simplement ici, et dans le seul but de mon travail, que, vu le nombre infini d’objets que nous avons continuellement devant les yeux, et dont, malgré qu’il paroisse, nous n’embrassons point à coup sûr simultanément les formes et les couleurs), il se pourroit très bien que ces dernières (les couleurs), départies, comme pêle-mêle, à tant de substances diverses, nous parussent, à la longue, n’appartenir identiquement ni exclusivement à aucune, et que de cette manière, détachées qu’elles le seroient souvent de leur sujet, et transmuées, pour ainsi parler, en conceptions ou perceptions abstraites, elles nous servissent quelquefois de signes tantôt absolus (n’importeroit alors des limites), et tantôt de signes supplémentaires ou identiques, là, où tout autre signe