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vues des cordillères,

en marchant huit à neuf heures par jour dans un pays montueux ; quand on sait qu’ils ont quelquefois le dos meurtri comme des bêtes de somme, et que des voyageurs ont souvent la cruauté de les abandonner dans la forêt lorsqu’ils tombent malades ; quand on pense qu’ils ne gagnent, dans un voyage d’Ibague à Carthago, que 12 à 14 piastres (60 à 70 fr.) dans l’espace de quinze, quelquefois même de vingt-cinq ou trente jours, on a de la peine à concevoir comment ce métier de cargueros, un des plus pénibles de ceux auxquels l’homme se livre, est embrassé volontairement par tous les jeunes gens robustes qui vivent aux pieds de ces montagnes. Le goût d’une vie errante et vagabonde, l’idée d’une certaine indépendance au milieu des forêts, leur font préférer cette occupation pénible aux travaux sédentaires et monotones des villes.

Le passage de la montagne de Quindiu n’est pas la seule partie de l’Amérique méridionale dans laquelle on voyage à dos d’homme. Une province entière, celle d’Antioquia, est environnée de montagnes si difficiles à franchir, que les personnes qui ne