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sur la regle du Goût.

des écrivains, qui les négligeoient, ont su plaire, ce n’est pas à cause de leur négligence ; c’est malgré elle : ils la rachetoient par d’autres beautés, plus conformes aux regles de l’art, & qui donnant un plaisir supérieur au dégoût que les défauts pouvoient faire naître, les effaçoient pour ainsi dire, & les faisoient évanouir. Si l’Arioste nous charme, ce n’est ni par les fables monstrueuses, & destituées de toute vraisemblance, ni par le mélange bizarre du style sérieux avec le style comique, ni par ses contes décousus, & par ses perpétuelles interruptions ; c’est par la force & par la clarté du style, par la variété des images, par la peinture naturelle des passions, sur-tout des passions gaies & de celle de l’amour : si les fautes où il tombe nous gâtent un peu le plaisir de cette lecture, elles ne sauroient le détruire. Mais dût ce plaisir résulter des parties de son poëme que nous jugeons défectueuses ; cela ne seroit pas une objection contre la critique en général, mais seulement contre ces regles particulieres, qui nous feroient regarder comme vicieux ce qui ne l’est pas : si ces endroits nous