— Votre raisonnement me semble juste, monsieur Laroche.
À ce moment, la porte s’ouvrit et une jeune fille de 20 ans peut-être entra en coup de vent.
— Bonjour, monsieur le curé, fit-elle.
Puis voyant le détective, un inconnu pour elle, la jeune fille allait s’éloigner quand le curé la rappela :
— Madeleine, dit-il, laisse-moi te présenter monsieur Laroche qui vient à ma demande enquêter sur l’attentât de cette nuit. Monsieur Laroche, mademoiselle Morin, la fille du notaire.
— Oh ! monsieur, s’écria la jeune fille, je suis bien contente que vous soyez venu. Quelle épouvantable affaire ! On essaie de nous voler notre trésor. Des bandits sont entrés en campagne. Mais je les avais précédés. Car moi aussi, je cherche le trésor.
Le curé était ébahi :
— Comment, toi, ma petite Madeleine, tu t’es mise à la recherche de ce trésor probablement inexistant ! C’est inconcevable. Tu ne m’avais pas dit cela !
— C’était mon secret. Personne ne le savait, car je ne l’avais même pas dit à papa, de peur qu’il ne rit de moi. Si maman avait vécu je lui aurais fait ma confidence, car je ne lui cachais rien ; mais pauvre maman, elle est morte depuis bientôt deux ans. Oui, je cherchais, je cherche et je chercherai le trésor. À présent que d’autres, des bandits, le cherchent aussi, je puis bien le dire. On ne rira plus de moi. Voulez-vous m’aider, monsieur Laroche ?
Jules regardait la jeune fille avec admiration. Elle parlait avec volubilité ; presque avec passion. Sa figure aux traits mignons et doux, se durcissait légèrement. C’était un mélange de délicatesse et de rudesse qui la faisait s’élever en ce moment à la hauteur de la pure beauté grecque. Ses yeux noirs étaient profonds. Ils invitaient le regard à s’y reposer et semblaient promettre des extases. Les cheveux de la jeune fille étaient coupés à la garçonne. Cependant les ciseaux du barbier n’avaient pas réussi à en faire disparaître la richesse. Madeleine était vêtue d’une robe blanche qui moulait ses formes naissantes.
— Monsieur Laroche, voulez-vous m’aider ? questionna-t-elle de nouveau.
— Oui, certes ! répondit le détective sortant d’un rêve. Puisque vous connaissez déjà le problème, mademoiselle, nous enquêterons tous deux et nous tâcherons de le solutionner ensemble.
La jeune fille rougit de plaisir.
À ce moment, le notaire Morin sortait de son cabinet de travail, allant reconduire son client à la porte.
— Messieurs, dit-il, je suis à vous.
Le curé et le détective pénétrèrent dans le cabinet de travail. La jeune fille allait s’éloigner quand Jules lui dit :
— Venez avec nous, mademoiselle. Puisque nous faisons l’enquête ensemble, il est nécessaire que vous soyez présente.
Madeleine ne se fit pas prier pour accepter. Le notaire revenait.
— C’est au sujet de l’attentat de cette nuit que vous venez me voir, monsieur le curé ? questionna-t-il.
— Oui, et je vous amène monsieur Jules Laroche, le détective fameux.
Le notaire aperçut alors sa fille :
— Madeleine, dit-il sévèrement, tu es indiscrète. Retire-toi.
— Mais non, fit Jules, elle peut, elle doit rester, puisque je me l’associe pour la durée de l’enquête.
— Mais en quoi cette enfant peut-elle vous être utile ?
Madeleine se fâcha :
— Il y a belle lurette que je ne suis plus une enfant, dit-elle. D’ailleurs, depuis deux mois, je cherche le trésor, moi aussi.
— Toi !
Le notaire était stupéfait.
— Oui, je le cherchais, à ton insu. Tu ne serres pas bien tes papiers, papa. J’ai trouvé dans tes paperasses deux lettres fort intéressantes.
— Comment ! tu as fouillé dans mon coffre-fort !
Madeleine éclata d’un petit rire argentin :
— Oh ! je connais la combinaison, dit-elle.
Le vieux notaire poussa un soupir, s’épongea le front :
— Ah ! les enfants ! les enfants modernes, quelle engeance !
Puis s’adressant au détective, il déclara :
— Je gardais, dit-il, ce secret bien enfoui au fond de ma conscience. Depuis ma prime jeunesse, je connais cette histoire de trésor. Elle a été une source de malheurs pour notre famille depuis la mort de mon ancêtre, le premier Marcel Morin. Je me rappelle encore avoir vu mon arrière grand-père creuser des trous partout sur sa terre, à la recherche du trésor. Mes aïeux ont toujours négligé leurs travaux des champs pour ce mirage trompeur : le trésor de Bigot. L’ombre de ce traître a plané constamment sur notre famille et lui a porté malheur.