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LE TRÉSOR DE BIGOT

la nuit au dehors. Où ? Mystère ! C’est louche ! C’est louche !

À ce moment, la porte extérieure de la maison s’ouvrit et quelqu’un monta l’escalier.

— C’est Champlain qui revient, se dit le détective. Je reconnais son pas.

Jules se sauva furtivement dans sa chambre, se coucha et fit semblant de dormir.

Tricentenaire entra dans sa chambre sans faire de bruit et entr’ouvrit doucement celle de son maître. Voyant que celui-ci était au lit et sommeillait, il referma la porte en souriant bizarrement.

— Ah ! l’animal, mâchouilla le détective, il pense m’avoir joué. Mais rira bien qui rira le dernier.

À ce moment il se releva, et après deux ou trois minutes d’attente, il appela :

— Tricentenaire ! Tricentenaire !

La voix dans la chambre voisine répondit :

— Oui, monsieur Laroche…

— Va préparer l’automobile, le « racer » ; c’est celle-là que je prends ce matin. Lave-là, nettoie-là bien partout ; je veux que sa surface égale celle d’un miroir.

— Oui, monsieur Laroche.

Le détective entendit un bruit de pas qui s’éloignaient ; Tricentenaire n’avait pas été lent à exécuter l’ordre reçu.

— Si ce sacré découcheur n’a pas dormi cette nuit, pensa-t-il, il commence sa journée par un travail qui va sans doute le faire jurer.

Quand Jules eut fini sa toilette, il était sept heures.

Il prit son chapeau, sa canne et sortit de sa maison, rue des Remparts. Deux minutes plus tard, il était sur la Terrasse Dufferin. À cette heure matinale, la Terrasse était presque toujours déserte.

Jules était le seul promeneur. Le Château Frontenac, l’Hôtel des Postes, le Palais de Justice dormaient encore. Seul, Champlain du haut de son monument, lui tenait compagnie. Et il ne le regardait même pas. Le fondateur de Québec lui tournait le dos, contemplant le Rond de Chênes, petit parc en face de lui.

Après avoir parcouru la Terrasse dans toute sa longueur, Jules alla s’accouder au garde-fou. Ses yeux errèrent sur le promontoire de Lévis où s’estompaient le Couvent, l’Hospice St-Joseph de la Délivrance, le clocher de l’église Notre-Dame, ressortant des maisons environnantes. Au loin, l’île d’Orléans sortait du brouillard matinal et apparaissait, verte comme une autre Irlande.

À ce moment, Jules entendit du bruit derrière lui. Il se tourna. Trois individus approchaient.

— Que me veulent ces inconnus ? se demanda-t-il.

Le premier lui demanda la charité d’une allumette pour son cigare.

Comme le détective mettait la main à sa poche, il reçut un formidable coup de poing sur le nez et chancela.

Mais il en fallait beaucoup plus pour le faire chanceler. Vite, il s’arma de sa canne et tomba sur la défensive. Malheureusement, il n’avait pas de revolver.

La canne tournoyait en sifflant autour de lui, pendant qu’il criait à tue-tête, appelant au secours.

Mais la lutte était désespérée. L’un des trois assaillants se jeta entre ses jambes et le fit tomber.

Les deux autres sortirent de la corde de leur poche et commencèrent à le ficeler. Cependant le détective se débattait de toutes ses forces entre leurs mains, et le travail de ses adversaires en était de beaucoup retardé. Soudain un bruit de pas très rapides se fit entendre au loin sur le plancher de bois de la Terrasse.

Jules regarda et vit des agents de police. Les autres aussi avaient vu. Ils s’enfuirent.

— Dieu ! Je l’ai échappé belle, dit le détective aux policiers qui arrivaient. Mais comment se fait-il que vous ayez su qu’on m’attaquait ?

Le chef de l’escouade, un sergent, déclara alors :

— Nous venons de recevoir un appel téléphonique. Un inconnu nous a dit que le détective Laroche devait être attaqué ce matin pendant sa promenade quotidienne sur la Terrasse Dufferin.

— Et qui est cet homme admirable qui vous a fourni un si merveilleux tuyau ?

— Il n’a pas voulu donner son nom. « Je préfère, m’a-t-il dit, garder l’anonymat. » Nous avons d’abord cru à une supercherie. Mais, à la fin, pour éviter toute critique, nous sommes venus, et nous n’avons pas eu tort.

Le détective les remercia chaleureusement et voulut les quitter. Mais le sergent demanda :

— Êtes-vous armé, monsieur Laroche ?

— Non.

— Dans ce cas, deux de mes hommes vont vous escorter jusque chez vous.

— C’est inutile, c’est inutile. Mes assaillants ne reviendront sûrement point.

Mais le sergent ne voulut pas en démordre et Jules dut partir, accompagné de deux agents.

Comme il sortait du Jardin-du-Fort pour