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LE TRÉSOR DE BIGOT

serais particulièrement enchanté de faire sa connaissance.

— J’ai su qu’on vous avait volé cette nuit, notaire, dit le jeune homme toujours assis dans son automobile.

— Malheureusement oui, répondit le vieillard.

Madeleine cria :

— Jean, venez donc ici, pour quelques minutes. Vous ne partirons pas avant une demi-heure pour aller voir le père Latulippe. Venez.

Jules regarda la jeune fille avec un air désapprobateur :

— Vous n’auriez pas dû lui dire qu’on allait chez le père Latulippe, fit-il doucement. Il ne faut pas que vous confiiez vos secrets, fût-ce à ce poteau de télégraphe, là-bas.

Madeleine baissa la tête, avec un air de petite fille de couvent prise en faute et déclara :

— Je ne le ferai plus, mère supérieure, je vous le promets.

Jules Laroche éclata de rire.

Le jeune Labranche montait les marches de la galerie.

— Monsieur Jean Labranche, monsieur Jules Laroche, présenta la jeune fille.

Le détective tressaillit légèrement. Comment se faisait-il qu’il n’eût pas pensé à cela plus tôt !

— Vous jouez à la Bourse, monsieur Labranche, fit-il du ton le plus dégagé du monde.

— Oui, monsieur, et la chance me favorise plus souvent qu’à mon tour.

Jules se lança alors à fond de train dans une conversation sur les valeurs de Bourse. Il eut vite fait de s’apercevoir que Labranche ne connaissait pas le moindre mot technique en la matière et ignorait complètement l’existence même de valeurs universellement célèbres.

— Tiens, tiens, pensa-t-il, ce jeune homme a menti quand il a dit à mademoiselle Morin qu’il jouait à la Bourse. S’il n’y joue pas, s’il ne travaille pas, ce n’est point là qu’il puise son argent. Et il dépense beaucoup. Voyez-moi cette superbe automobile ! Son père ne doit pas lui donner beaucoup d’argent : il est pauvre. D’où donc ses billets de banque proviennent-ils ?

Gêné par la conversation de Jules sur la Bourse et ayant sans doute peur de se compromettre en parlant à tort et à travers de questions qu’il ne connaissait pas, Labranche s’excusa, prétextant un important message oublié et prit congé de ses hôtes, non sans jeter un regard équivoque sur le détective.

Quand il fut parti, Jules Laroche demanda à la jeune fille :

— Monsieur Labranche savait-il que les bouts de parchemin étaient dans le coffre-fort ?

— Mais oui, fit le notaire ; hier soir, il a demandé de les voir ; je lui ai répondu qu’ils étaient dans le coffre-fort et qu’ils y resteraient tant que vous ne les réclameriez pas.

Le détective resta songeur quelques instants ; et puis :

— Où demeure monsieur Labranche ? questionna-t-il.

— Son père, comme on vous l’a déjà dit, passe l’été dans son chalet, sur le bord de l’Etchemin. Le jeune homme s’est fait bâtir un petit bungalow non loin du chalet de son père et vit seul à cet endroit. Il dit qu’il aime la solitude.

— Et il est étudiant en médecine ?

— Oui.

— Je ne le crois pas.

Madeleine sursauta :

— Comment ! Vous êtes d’opinion qu’il n’étudie point la médecine ?

— Oui. En tout cas, si vous le permettez, je vais appeler le secrétaire de l’Université Laval, à Québec.

Le notaire et sa fille attendaient avec impatience le résultat de l’appel téléphonique pendant que Jules parlait, l’appareil en mains.

Cinq ou six minutes se passèrent. Le détective revint sur la galerie. Il déclara, à la stupéfaction de monsieur Morin et de sa fille :

— Jean Labranche, dit-il, ne s’est pas inscrit à l’université pour l’année qui vient de s’écouler. Conséquemment, il n’a pas assisté à un seul cours de la Faculté de Médecine.

Jules demanda alors à la jeune fille si elle était prête à l’accompagner au bungalow de Labranche :

— Nous allons faire un cambriolage, fit-il en riant.

Madeleine accepta avec plaisir.

Quelques minutes plus tard, ils s’engageaient tous deux en auto sur la route de St-Anselme qu’ils quittèrent quelques arpents plus loin pour prendre un chemin privé aussi mauvais que le « Petit St-Henri ».

Après qu’ils eurent filé deux ou trois milles sur cette route, Madeleine pointa une maison sur le bord de l’Etchemin et déclara :

— C’est là que demeure le père Labranche, le père de Jean.

Quand ils arrivèrent devant le chalet, Jules fit stopper son « Racer » et observa :

— Je crois, dit-il, que nous ne ferions pas