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LE TRÉSOR DE BIGOT

qui a violé la fosse de votre aïeul portait des chaussures de 8 1-2 et des talons de caoutchouc « Panthère ».

Madeleine devint affreusement pâle…

— Alors, vous croyez que… que… fit-elle.

— Je ne crois rien du tout, je ne sais rien du tout, mademoiselle ; je cherche.

Le détective continua son examen minutieux de la place.

Dans un panier à vidanges, il découvrit un linge blanc maculé d’une substance rouge qui ressemblait beaucoup à du sang.

— Vous dites que vous avez tiré trois coups de revolver sur le bandit, cette nuit. Êtes-vous sûre de ne pas l’avoir touché ?

— Je n’en sais rien. Tout ce que je puis dire, c’est qu’il a sauté dans l’auto, tout comme si aucune de mes balles n’avait porté.

À ce moment, le détective était à examiner une manche de veston. Il s’aperçut soudain qu’à deux endroits la manche était trouée : étaient-ce des trous de balles ? Il fit part de sa découverte à Madeleine qui se montra de plus en plus perplexe.

Mais un bruit d’automobile venait de se faire entendre du dehors.

Jules Laroche se précipita à la fenêtre.

Deux hommes descendaient de la voiture. Quelle ne fut pas la surprise du détective quand il reconnut dans l’un d’eux le vieux Lacerte, père de Champlain-Tricentenaire.

— La porte est-elle bien fermée à clé ? questionna le détective.

Madeleine alla s’assurer et répondit affirmativement.

— Maintenant, dit Jules dans un souffle, ne faisons pas le moindre bruit jusqu’à ce que ces importuns se soient éloignés.

Les hommes frappèrent à la porte et n’obtinrent aucune réponse, le détective et la jeune fille se tenant bien cois.

— Je crois qu’il n’est pas ici, fit la voix du père Lacerte.

— Ce sacré Laroche aura dérangé ses plans, remarqua l’autre. Quelle malchance que je l’aie manqué ce matin. Dire que je l’avais au bout de ma carabine !

— Bon ! pensa le détective, voilà mon meurtrier manqué. Je suis bien content de savoir que ce n’est pas Tricentenaire qui m’a tiré les balles.

Le père Lacerte reprit :

— Pourtant, il y a une automobile arrêtée en face.

— C’est peut-être à Labranche.

— Je ne la lui ai jamais vue.

— Ça ne veut rien dire, il en achète une nouvelle tous les quinze jours.

Il y eut un silence que la voix du père Lacerte rompit :

— Il s’est peut-être rendu à la caverne à pied.

— C’est une longue marche.

— Oui, mais tu sais bien que le chef aime à marcher. Allons à la caverne en canot. L’embarcation est là qui nous attend.

Les deux hommes descendirent sur le quai et disparurent dans le canot.

Jules dit alors à Madeleine :

— Je me demande ce que c’est que la caverne dont ils ont parlé. Impossible de les suivre. Ils ont pris le seul canot et il n’y a pas de chemin qui longe la rivière. Mais nous savons maintenant une chose importante : Jean Labranche est le chef de cette bande ; ils l’ont déclaré eux-mêmes.

Le détective sortit alors de sa poche le fume-cigarettes qu’il avait trouvé la veille dans la fosse violée :

— Connaissez-vous ce petit objet ? demanda-t-il en le présentant à la jeune fille.

Celle-ci le regarda :

— Mais, dit-elle, c’est le fume-cigarettes de Jean. Je le reconnais. Regardez : ses initiales y sont gravées : J. L. : Jean Labranche.

Jules sourit silencieusement.

Madeleine questionna :

— Mais comment se fait-il que vous ayez cet objet en votre possession ?

— Je l’ai trouvé dans la fosse de votre aïeul, parmi les ossements.

La jeune fille, bien que se doutant de la vérité, fut saisie :

— C’est incroyable, dit-elle, que Jean se soit rendu coupable d’une aussi effroyable action.


VIII

LE VESTON TROUÉ


Jules Laroche et Madeleine Morin étaient demeurés plus d’une heure dans le bungalow de Jean Labranche.

Le détective y avait fait des découvertes qu’il jugeait fort importantes. En effet, il avait réussi à identifier deux de ses mystérieux ennemis : le père Lacerte et le J. L. dont les initiales étaient gravées sur le fume-cigarettes. Sa trouvaille dans la fosse du cimetière n’avait certes pas été inutile.

Les agissements étranges de son secrétaire et factotum l’inquiétaient de plus en plus. Est-ce que Champlain-Tricentenaire s’était ligué dans cette lutte autour du trésor de Bigot avec Jean Labranche et l’auteur de ses jours ?