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LE TRÉSOR DE BIGOT

pliqua la mère en souriant. Tu me gâtes, tu me gâtes trop.

— Tu sais, maman, depuis longtemps tu dis que ceci te manque, que tu serais contente d’avoir cela. Eh bien ! je t’ai apporté ceci et cela.

À ce moment Jean Labranche aperçut Madeleine et Jules. Pour une fraction de seconde sa figure se rembrunit. Ce changement de physionomie ne manqua point d’être remarqué du jeune détective.

Déjà Jean Labranche avait reconquis son calme.

« Le bandit n’a pas encore revu son bungalow depuis notre visite. Il n’a certes pas revu non plus le père Lacerte et son compagnon. Tout va bien, tout va bien, pensa le détective. »

Il s’approcha de Jean Labranche qui était assis près d’une fenêtre.

— Continuons donc, dit-il, notre conversation de ce matin sur les valeurs de Bourse. Cette question me passionne toujours. Nous parlions, je crois, du Northern Paper préférentiel quand un message oublié vous a forcé à nous quitter.

Le jeune bandit ne semblait pas à son aise.

— Oh ! dit-il, remettons cette conversation à plus tard. J’ai l’esprit fatigué de toutes ces questions.

Il se leva alors. Jules Laroche l’imita ; mais ce dernier se prit les pieds dans sa chaise, et il allait tomber à la renverse quand, de la main droite, il s’accrocha au bras gauche du bandit.

Celui-ci poussa un hurlement de douleur.

— Je ne vous ai pourtant pas serré le bras bien fort, dit le détective humblement.

— C’est que j’ai une blessure au bras. En réparant mon automobile, hier, le bandage d’acier d’un pneu s’est ouvert violemment et m’a frappé là.

— Tu ne nous avais pas parlé de cet accident, s’écria la mère inquiète déjà.

— Oh ! ça ne valait pas la peine : une simple égratignure.

— Montre cette blessure à ton père, Jean, cela peut devenir dangereux. On ne sait pas.

Le vieux médecin était déjà près de son fils. Il lui enleva son veston presque malgré lui et retroussa la manche de sa chemise. Un bandage apparut sur l’avant-bras.

Le docteur le défit avec des soins infinis et examina la blessure minutieusement :

— La pièce d’acier qui t’a frappé, mon fils, dit-il à la fin, a fait une marque bien curieuse. Si tu ne m’avais rien dit sur la cause de l’accident, j’aurais juré que c’était une blessure causée par une balle.

Le détective regarda le criminel qui détourna les yeux.

— Bien, bien. Tu avais raison, continua le docteur s’adressant à son fils, ce n’est là qu’une blessure à fleur de chair. Il n’y a pas le moindre danger. Je m’en vais te panser cela. Dans quelques jours, il n’y paraîtra plus.

Jules et Madeleine quittèrent le chalet.

En route le détective déclara à la jeune fille :

— Une de vos balles a porté, mademoiselle. Elle a frappé Jean Labranche au bras gauche. Car je suis maintenant sûr que c’est lui qui a volé les deux bouts de parchemin dans le coffre-fort de votre père, la nuit dernière.

La jeune fille frémit.

— En tout cas, continua Jules, nous allons nous assurer davantage quand nous serons chez vous.

Ils étaient rendus.

Le notaire les attendait pour dîner. Ils lui apprirent qu’ils avaient mangé chez le docteur Labranche. Alors, le vieillard s’installa seul à table.

— Monsieur Morin, interrogea le détective, le voleur qui vous a visité cette nuit était-il plus grand ou plus petit, plus gras ou plus maigre que Jean Labranche ?

Le notaire réfléchit plusieurs minutes qui s’écoulèrent dans le plus grand silence, Madeleine laissant deviner son anxiété par une poitrine qui se soulevait sous une respiration saccadée. Jules était calme, calme comme l’atmosphère avant la tempête.

Le notaire releva la tête et considéra le détective curieusement ; puis :

— Le voleur, dit-il, était de même taille et de même corpulence que Jean Labranche. Mais est-ce que vous soupçonnez… ?

— Je ne soupçonne pas ; je suis sûr ! Je suis sûr que Jean Labranche est entré ici la nuit dernière, a volé les deux bouts de parchemin et s’est fait loger une balle dans le bras gauche par mademoiselle Madeleine pendant qu’il s’enfuyait.

Le notaire était stupéfait, atterré.

Le détective se dirigea vers le cabinet de travail, s’empara de l’appareil téléphonique et appela Québec. Quand il eut obtenu la communication avec le bureau provincial du revenu de l’automobile, il conversa longuement puis raccrocha l’acoustique.

Le notaire et sa fille l’attendaient dans la pièce voisine. Il y passa :

— Je viens d’apprendre, dit-il, que le propriétaire de l’auto portant la licence numéro « 20101, Québec, 25 » est monsieur Jean Labranche, domicilié à St-Henri de Lévis.