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LE TRÉSOR DE BIGOT

X

LA CAVERNE DES BANDITS


Tricentenaire avait deux ou trois minutes d’avance. Jules Laroche dut brûler la route pour le rejoindre. Quand il vit l’arrière du Sedan, l’église de Pintendre était en vue. Champlain disparut dans la courte descente que fait la route immédiatement après l’église, pour réapparaître quelques secondes plus tard sur le sommet du coteau. Deux arpents plus loin, il obliqua à droite dans un chemin de traverse qui va rejoindre « Le Petit St-Henri ».

Jules Laroche le suivait de loin pour ne pas attirer son attention.

Que signifiait la conduite de Tricentenaire ? Son secrétaire et factotum était-il pour ou contre lui ?

Enfin, il allait bientôt le savoir.

Champlain obliqua de nouveau à droite sur la vieille route du « Petit St-Henri ». Il dut forcément ralentir la vitesse de sa machine à cause du pitoyable état du chemin.

— Tiens, dit le détective à sa compagne Madeleine, il s’en va vers Lévis. Je me demande où il s’arrêtera.

Tricentenaire s’arrêta à l’endroit même où Jules avait remarqué les hommes sortant d’un bosquet et disparaissant ensuite mystérieusement.

Le détective pesa sur la pédale du frein et arrêta silencieusement son « Racer » quelques arpents en arrière.

Pendant ce temps, Champlain descendait lentement de la Buick, sautait par-dessus la clôture et se dirigeait vers la pointe du cap qui domine la rivière Etchemin. Il disparut alors derrière une touffe d’arbres.

Jules s’empara de la main de Madeleine et suivit dans la même direction.

Quand les deux jeunes gens arrivèrent sur la pointe du cap, ils virent un petit sentier abrupt qui descendait vers la rivière.

— C’est ici qu’est passé Tricentenaire, dit Jules dans un souffle. Ne faites pas le moindre bruit, mademoiselle Madeleine. La minute est solennelle. Si les brigands sont là, nos deux vies sont en danger. Et je crois qu’ils y sont. Mon flair me le dit.

La rivière Etchemin roule en cascades à cet endroit. Les pluies torrentielles des jours précédents l’avaient grossie et elle faisait un bruit assez élevé pour couvrir leurs voix quand elles étaient basses. Jules s’engagea doucement et prudemment dans le petit sentier, suivi de Madeleine qui avançait avec encore plus de circonspection que son ami.

Le sentier zigzaguait à plusieurs reprises. À l’un des tournants, Jules s’arrêta si vite qu’il fit rouler un caillou dans la rivière. Il regarda. Un gouffre béant était à leurs pieds.

Madeleine avait vu, elle aussi, et elle frissonna.

S’ils tombaient là, c’était la mort ; ils iraient s’écraser contre les rocs qui dressaient leurs têtes traîtresses au-dessus de l’eau.

Ils continuèrent leur descente.

Soudain un bruit de voix lointaines parvint à leurs oreilles.

Le détective sortit son revolver et s’assura qu’il était chargé.

Le sentier était devenu si étroit qu’ils devaient se tenir aux anfractuosités du rocher de peur de tomber dans la rivière. Ils étaient à une vingtaine de pieds au-dessus de l’Etchemin. Le sentier ne descendait plus, mais longeait le rocher horizontalement.

Plus ils avançaient, plus les voix se rapprochaient.

Soudain le détective arrêta de nouveau, montrant une ouverture béante à une vingtaine de pieds en avant, il dit à Madeleine :

— Voici sans doute la caverne dont parlait le père Lacerte ce matin. Soyez sur vos gardes, mademoiselle ; vous risquez actuellement votre vie.

La jeune fille blêmit, mais ne flancha point. Elle porta la main à son corsage et en sortit un revolver mignon. Puis, plongeant la main dans sa sacoche, elle en exhiba de petites cartouches qu’elle glissa dans le revolver. Jules fit silencieusement un signe d’approbation qui voulait sans doute féliciter la jeune fille de sa prévoyance.

Les deux jeunes gens allèrent s’embusquer derrière un bosquet, près de l’entrée de la caverne.

De l’endroit où ils se trouvaient, ils pouvaient suivre la conversation des bandits, sans être vus et sans en perdre un seul mot.

Tricentenaire parlait :

— Quand je vous dis, déclarait-il avec impatience, que le chef vous ordonne par