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LE TRÉSOR DE BIGOT

des pneus de l’auto des ravisseurs. Mais ceux-ci continuèrent leur route.

Le détective aurait pu les dépasser. Mais il ne le voulait pas. C’était risquer sa vie inutilement. En effet, ils auraient certainement fait feu sur lui.

Que faire ?

Il ne voulait pas tirer sur eux de peur de blesser Madeleine qui était là.

— Crevons leur réservoir à essence, dit-il. Ainsi, ils n’iront pas loin.

La troisième balle tirée le creva et la gazoline se mit à couler, laissant une longue marque sur la route.

Le détective put à la fin distinguer que Madeleine était du côté gauche de l’auto en arrière. En effet, elle sortait souvent le bras en dehors et montrait une manche beige, la couleur de la robe qu’elle portait ce jour-là.

Il dit alors à son compagnon :

— Les bandits vont bientôt s’arrêter. Le moteur ne fonctionnera plus, faute d’essence. Pendant une fraction de minute, ils vont en être décontenancés, ils ne penseront pas à faire feu. C’est alors que nous les dépasserons. Vous vous pencherez sous le siège et conduirez ainsi votre auto, regardant la route du petit coin d’un unique œil. Moi, je me pencherai aussi sous le siège. Et vous verrez ce qui va arriver. Comprenez-vous bien ?

— Oui.

— Ils ralentissent, ils ralentissent. C’est le temps. En avant !

Le compagnon du détective avait compris.

Quand les deux automobiles furent côte à côte, les bandits ne s’en aperçurent pas de suite. Le détraquement de leur moteur les occupait exclusivement.

Jules en profita pour bondir et, saisissant Madeleine dans l’autre auto, il l’attira à lui de toute sa force, disant à son ami d’occasion :

— En avant ! À toute vitesse !

Pendant quelques secondes le détective lutta contre le poids de Madeleine qui voulait le faire basculer sur la route. Mais il vainquit et jeta Madeleine à l’arrière de l’auto, tout en lui demandant pardon de sa rudesse.

Le coup avait été fait si rapidement que les bandits n’avaient pas eu le temps d’y voir clair.

Madeleine et Jules étaient déjà loin quand ils firent feu. Toutes les balles ratèrent leur objectif.

— Maintenant, allez chercher de l’essence et poursuivez-nous, messieurs les bandits, s’écria en riant le détective.

En retournant une demi-heure plus tard à la fosse du noyé, après avoir retraversé le fleuve dans le canot-automobile, Jules dit à Madeleine avec un peu d’hésitation dans la voix :

— Madeleine, quand les bandits vous ont enlevée, j’ai senti une douleur si forte à mon cœur que j’ai compris que vous m’étiez bien chère.

— Monsieur Jules, quand vous m’avez attirée dans vos bras, m’arrachant à mes bourreaux, moi aussi j’ai senti une douleur à mon cœur, mais elle était bien douce.


XVIII

LE TRÉSOR

Quand Jules et Madeleine arrivèrent à la fosse, elle était entourée du père Latulippe, armé d’un gourdin, de Tricentenaire et de quatre policiers lévisiens, revolver au poing.

— Les bandits n’ont pas essayé de vous attaquer ? questionna le détective.

— Non.

— Alors, à l’œuvre.

Tricentenaire alla chercher le pique et les pelles qu’ils avaient apportés de St-Henri. Après quoi il reçut l’ordre du détective de monter dans l’auto et d’amener le notaire Morin sur les lieux.

On creusa tout autour du tertre et, à environ quatre pieds sous terre, un des agents découvrit une boîte de fer rouillée de bonnes dimensions, qu’il sortit du trou. Le détective allait tenter de l’ouvrir. Mais Madeleine lui dit :

— N’ouvrez pas cette boîte, monsieur Jules.

— Elle vous appartient, je vous obéis.

À ce moment, une voiture s’arrêtait sur la route.

À la surprise générale, Jean Labranche descendit de cette voiture et se dirigea sans hésiter vers le détective. Après avoir souri avec calme à Madeleine qui le regardait froidement, il dit à Jules :

— Voici une lettre pour vous.

Puis il continua sa route jusqu’au sommet du pic qui domine la rivière à cet endroit et se précipita sur les rocs escarpés au-dessous de lui.

Ce fut une stupéfaction générale.

Immédiatement Jules courut à son secours.

Le chef avait la tête sous l’eau. Il la lui retira.

Après avoir posé pendant plusieurs minutes son oreille sur la poitrine de Labranche, il se releva et dit tout bas :

— Il est mort !