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ENQUÊTE

que nous échangeâmes, tous trois sous des optiques différentes.

— Voici la statue du brasseur gantois, Jacques Arteveld ; voici la tour crénelée où l’on déchirait du haut en bas, devant la foule, les pièces de toile reconnues défectueuses au marché ; voici les crampons de la potence où tant de gens furent pendus ; ce bâtiment-là, avec ses sculptures g’othiques, c’est l’hôtel des Bateliers, tous les corps de métier en avaient un analogue ; mais il y a quelques années on avait ici la maladie de tout démolir, et tant de belles choses y ont passé !…

Depuis trois heures nous marchions sur le pavé aigu et glissant.

— Voulez-vous vous reposer ? nous demanda Mæterlinck, et boire de bonne bière flamande ?

Nous arrivons dans un passage étroit ; une porte basse, une suite de cours minuscules, un dédale de corridors, et nous entrons dans une petite pièce où le jour pénètre à peine ; quelques tables, des sièges de paille sans dossier, les murs garnis de bancs, quelques gens sont assis devant des moss, fument comme des hauts-fourneaux en parlant très bas.

— C’est le cabaret flamand, dit Mæterlink.

Nous nous installons dans un coin ; lui-même sort une courte pipe de bruyère, s’étonne que nous n’ayons pas les nôtres, et se met à fumer avec une onction tranquille.