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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Quand le houblon nous fut versé, Duc-Quercy ne tarda pas à mettre la conversation sur l’art socialiste.

— Je ne comprends pas, disait-il, que des littérateurs intelligents s’isolent volontairement, sous prétexte d’art pur, des idées de leur temps, et, pour le nôtre, du grand mouvement socialiste qui comprend tout, qui englobe toutes les manifestations de la pensée humaine.

— Pour faire des œuvres durables, répondait Maeterlinck, ne faut-il pas justement s’élever au-dessus de son époque, se dégager des accidents de la civilisation, des contingences de l’actualité immédiate ?

— Pour que les œuvres soient durables, ripostait Duc, il faut qu’elles reflètent l’état d’esprit général du temps où elles furent créées ; or, le socialisme, par exemple, à l’heure actuelle, est l’expression synthétique intense d’un immense, d’un universel courant d’idées qui peuvent changer demain jusqu’à la forme de la civilisation. Zola, dans Germinal, bien plus que les poètes ronsardisants…

— Zola, dans Germinal, interrompt Mæterlinck, a pu faire œuvre de sociologue ; mais, admettez que, comme vous le pensez, la forme de la société soit changée, tant et si bien que dans mille ans il ne reste plus rien à désirer aux mineurs… Qu’est-ce que les générations de l’an 3000 ou de l’an 4000 comprendront à la scène de la forêt — par exemple — ou de telle autre qui nous émeut à présent ?