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ENQUÊTE

éternel et la force occulte des choses ! il doit se mettre dans la position où l’Éternité appuie ses paroles, et chaque mouvement de sa pensée doit être approuvé et multiplié par la force de gravitation de la pensée unique et éternelle ! Le poète doit, me semble-t-il, être passif dans le symbole, et le symbole le plus pur est peut-être celui qui a lieu à son insu et même à l’encontre de ses intentions ; le symbole serait la fleur de la vitalité du poème ; et, à un autre point de vue, la qualité du symbole deviendrait la contre-épreuve de la puissance et de la vitalité du poème. Si le symbole est très haut, c’est que l’œuvre est très humaine. C’est à peu près ce que nous disions cette après-midi, s’il n’y a pas de symbole, il n’y a pas d’œuvre d’art.

Mais si le poète part du symbole pour arriver à l’œuvre, il est semblable au charpentier qui équarrit une poutre placée au-dessus de sa tête, et il a à vaincre toute la force de gravitation de son poème. Il navigue contre vents et contre marée. Il n’est plus entraîné bien au delà de ses pensées par la force, les passions et la vie de ses créations, mais il est en guerre ouverte avec elles ; car le symbole qui émane de la vie de tout être est bien plus haut et plus impénétrable que le plus merveilleux symbole préconçu, et la simple vie des êtres contient des vérités mille fois plus profondes que toutes celles que peuvent concevoir nos plus hautes pensées.

Si je parviens à créer des êtres humains, et si je les