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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

à son égard ; car, au fond, le naturalisme même, en tant que modalité esthétique, est éternel. En effet, à toutes les époques de l’histoire de l’art, voyez, c’est cette même lutte, avec des fortunes diverses, entre ces deux mêmes esthétiques rivales, la naturaliste et l’idéiste, l’une, professant que l’extériorité des choses est, en elle-même, intéressante et suffisante à l’œuvre d’art ; l’autre, l’idéiste, niant, au contraire, cela et ne voulant considérer les formes matérielles que comme les lettres d’un mystérieux alphabet naturel servant à écrire les idées, seules importantes, puisque l’art n’est qu’une matérialisation spontanée et harmonieuse des idées… Le dix-neuvième siècle, lui, a vu le persistant triomphe de la première de ces deux conceptions d’art : il a été presque exclusivement réaliste, si l’on entend par réalisme : la constante préoccupation de la forme matérielle et l’insouci des idées. Chateaubriand, Hugo, Gautier, tous les romantiques et, à leur suite, les Parnassiens, ont été des réalistes avec une conception et une vision des extériorités différentes, sans doute, de celles qu’ont MM. de Goncourt et Zola, mais tout autant qu’eux, amoureux de l’extériorité de la vie et fermés à l’idéal. Les tentatives d’art idéiste de Lamartine, Vigny, Baudelaire, ont, en somme, été dédaignées par ce siècle. Et pourtant ne croyez-vous pas que ces poètes-là ne compteront pas un peu plus dans l’histoire de l’art que ce génial bafouil-