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ENQUÊTE

leur qui s’appelle Victor Hugo ? L’art qui exprime des idées n’est-il pas plus élevé que l’art qui copie des formes ? Le Vinci et l’Angelico ne sont-ils pas de plus purs artistes que Gérard Dow ou Véronèse ? Pourtant Gérard Dow et Véronèse sont encore des artistes. Il suffit de les mettre à leur place. Aujourd’hui, en littérature, le public semble vouloir effectuer un pareil classement. Fort bien ! Que le grand décorateur Hugo et les petits hollandais de Médan cèdent de bonne grâce la place usurpée à Mallarmé, à Baudelaire, à Vigny, à Lamartine. Le naturalisme n’a pas à mourir, il n’a qu’à reprendre la place qu’il n’eût jamais dû quitter dans la hiérarchie des arts, la place de valet.

— Mais quelle vous paraît être l’orientation actuelle de la littérature !

— Ne l’ai-je point déjà dit ? La littérature de demain sera, je pense, une littérature d’idées exprimées par des formes et ces formes significatrices, évidemment, par réaction contre la platitude et la banalité des créations naturahstes, devront être magnifiques et rares, en dehors de la possibilité physique, des formes de rêve… Et, après tout, une littérature de rêve n’est-ce pas une littérature de vie vraie, de vie réelle autant que le réalisme ? Les rêves que nous faisons tout éveillés ne sont-ils pas logiquement déterminés, de l’aveu des physiologistes mêmes, par les faits matériels de notre existence ? Si donc je vous