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ENQUÊTE

signification de ce vocable, je ne le saurais. Je ne suis ni théoricien, ni devin. On m’a dit que dans mon roman récemment publié, Sixtine, j’avais « fait du symbolisme » : or, voyez mon innocence, je ne m’en étais jamais douté. Néanmoins, je l’appris sans grand étonnement : l’inconscience joue un si grand rôle dans les opérations intellectuelles ; — je crois même qu’elle joue le premier de tous, celui d’impératrice-reine !

Si l’on dénommait cette littérature nouvelle l’Idéalisme, je comprendrais mieux et même tout à fait bien. L’Idéalisme est cette philosophie qui, sans nier rigoureusement le monde extérieur, ne le considère que comme une matière presque amorphe qui n’arrive à la forme et à la vraie vie que dans le cerveau ; là, après avoir subi sous l’action de la pensée de mystérieuses manipulations, la sensation se condense ou se multiplie, s’affine ou se renforce, acquiert, relativement au sujet, une existence réelle. Ainsi, ce qui nous entoure, ce qui est extérieur à nous n’existe que parce que nous existons nous-mêmes. Donc, autant de cervelles pensantes, autant de mondes divers, et, lorsqu’on veut les représenter, autant d’arts différents. Ce que vous appelez rêve et fantaisie est la vraie réalité pour qui a conçu ce rêve ou cette fantaisie. Donc, encore, liberté illimitée dans le domaine de la création artistique, anarchie littéraire. Aussi bien, est-ce l’état présent de la littérature. C’est le