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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Je n’insiste tant que parce que d’ingrats poètes propendent à congédier la Matière, ainsi qu’une trop vieille servante usée au service du Naturalisme. Ouais ! la fille est verte plus que jamais ! le serait-elle trop pour certains ? Bannir le contingent et le fini, c’est jouer à colin-maillard dans le transcendantal tunnel des vieilles lunes. On m’entendra mieux lorsque j’aurai présenté notre monde, la Vérité, comme les débris épars de l’originelle Beauté rompue.

Oyez cet apologue :

— « Au temps qui n’était pas encore le Temps, Dieu, solitaire Idée des Idées, voulut les corporiser, afin de distraire son intellectualité. L’incarnation opérée, la Beauté fut. La Beauté figurait la forme de Dieu. En la créant, il avait désiré se réaliser. Toutefois Dieu restait l’Idée : l’Idée de ces Idées qui formaient la Beauté. Alors ce fut une unité, ce fut encore une dualité. Devant ces Idées formelles (multiple mirage de son Idée une), Dieu s’éjouissait, tel un enfant devant un joujou.

Or, il advint ceci. Sans doute possédée de ce démon qui incite à produire, la corporelle Beauté, se croyant indépendante, eut la curieuse envie d’imiter Dieu, de créer à son tour. Mais — comme elle était la Perfection, et que la Perfection ne se peut surpasser, son unique devoir étant d’être — la Beauté, superbe d’harmonie, fut punie de son caprice : elle se rompit dans l’effort de conception, se