Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

nie de tentures arabes et je pénètre dans un luxueux salon que je n’ai pas le temps de détailler, où dominent les couleurs tendres et qui, d’ensemble, me paraît d’assez mauvais goût.

Entre le maître. Je le regarde curieusement et je demeure stupéfait : Guy de Maupassant ! Guy de Maupassant ! Pendant le temps qu’il faut pour saluer, choisir un siège et s’asseoir, je répète mentalement ce nom et je regarde le petit homme qui est devant moi, aux épaules médiocres, à la grosse moustache bicolore, châtain avec des poils qu’on dirait passés à l’alcool. Il me fait asseoir poliment. Mais aux premiers mots de littérature, consultation, etc., il prend un air désagréable, migraine, et m’apparaît alors dans une disgrâce réelle.

— Oh ! monsieur, me dit-il, — et ses paroles sont lasses, et son air est très splénétique, — je vous en prie, ne me parlez pas littérature !… j’ai des névralgies violentes, je pars après-demain pour Nice, le médecin me l’ordonne… cet air de Paris m’est tout à fait contraire, ce bruit, cette agitation… je suis vraiment très malade ici…

Je compatis, et le ton plein de précautions et de nuances, j’essaie de tirer tout de même quelque vague opinion…

— Oh ! littérature ! monsieur, je ne parle jamais. J’écris quand cela me fait plaisir, mais en parler, non. Je ne connais plus, d’ailleurs, aucun homme de