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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

nous la même sonorité si nous l’entendons après qu’il a été frappé quand nos oreilles étaient fermées. Tenez, vous allez comprendre.

M. Céard va à son piano, plaque un accord et dit ;

— Vous avez entendu ? À présent bouchez-vous les oreilles pendant que je frapperai, et retirez vos mains aussitôt que l’accord sera lancé…

Je fis comme il me l’indiquait. Et, en effet, j’entendis longtemps après que ses mains avaient quitté pour la seconde fois le clavier, comme un lointain écho d’orchestre, phénomène que je n’avais pas constaté lors du premier accord entendu librement.

— Eh bien ! je crois que c’est cela qu’ils veulent faire, me dit-il, les symbolistes. Et je trouve que cela vaut au moins la peine qu’on s’y intéresse. Quand ils se tromperaient, où serait le mal ? et ne faut-il pas se souvenir que c’est des tâtonnements des alchimistes impuissants et acharnés à fabriquer de l’or qu’est sortie la chimie moderne, et qu’aucun effort n’est jamais mutile ni méprisable. D’ailleurs, je tiens pour toutes les manifestations nouvelles, quelles qu’elles soient. Nos préférences ne signifient rien. Les querelles d’école n’ont que l’intérêt de la circonstance, il faut les laisser de côté et voir les choses avec plus de détachement. J’ai été jadis élève en médecine, et de ces études, au moins, j’ai gardé ce besoin et cette habitude d’esprit de constater les faits d’abord. On ne cherche pas querelle à un malade et on ne lui dit