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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

le charme de la parole et l’imprévu de la pensée de mon interlocuteur. Enfin, quand j’essaie de revenir au sujet, M. Mirbeau me dit en éparpillant machinalement dans l’air une poignée de feuilles :

— La littérature ? Demandez donc plutôt aux hêtres ce qu’ils en pensent !

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Soudain :

— Mais quelle heure est-il donc ?

— Six heures. Déjà !

Nous revenons. Le soleil va se coucher. Des rougeurs flamboient derrière les arbres et incendient les haies qui bordent la route ; le petit vent de ce matin est tombé, le silence se fait plus profond.

Quand nous rentrons à Pont-de-l’Arche, d’un côté le soleil tout rouge va disparaître ; de l’autre, dans un val, entre l’écartement de deux collines, des brumes violettes s’élèvent vers le ciel gris. À contempler ce spectacle, l’œil ébloui de mon hôte paraissait de l’aventurine en fusion.

— Au fond, voyez-vous, c’est de la peinture que j’aurais dû faire, dit-il avec un peu de tristesse.

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Huit heures moins cinq. Le train de Paris passe à huit heures cinq. Mes adieux hâtivement faits, on saute en voiture.

— Nous n’arriverons pas, dit le groom.

— Si, répond M. Mirbeau, hue, Coco !